Révolution au futur – « On ne va pas attendre dix ans […] »

Article : Révolution au futur – « On ne va pas attendre dix ans […] »
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28 février 2013

Révolution au futur – « On ne va pas attendre dix ans […] »

Quand on se faufile parmi des expatriés qui ont laissé une Tunisie à la douce et discrète odeur de jasmin (La Tunisie sous silence, Limoune, novembre 2007), ras-le-bol et incompréhension, mépris et déception entourent souvent les lendemains de la révolution.

A 1480 km de l’avenue Bourguiba, quelques Tunisiens s’impatientent avenue Jean Lolive, à Pantin, devant le consulat tunisien. Ils ne réclament pas la vérité concernant l’assassinat de Chokri Belaïd, ne protestent pas non plus contre le « Harlem Shake » en Tunisie. Ce qu’ils veulent, c’est enregistrer leurs enfants sur les registres du pays, renouveler leurs passeports ou bien se procurer un extrait de naissance.

Passeport tunisien
Passeport et carte consulaire tunisiens
©Limoune

Alors que certains se font recaler sans explication adéquate, les autres pénètrent dans le bâtiment, mais leur attente ne fait que commencer. C’est donc de nouveau de patience qu’il faut s’armer une fois franchie la porte d’entrée. Ce mot qui vient d’être mis entre les deux balises <B> et </B> afin d’apparaître en gras sur vos écrans, invite Limoune –  ليمون à en reporter sa définition

Qualité de quelqu’un qui supporte qqch avec calme.

Et afin d’annoncer la suite de son propos, Limoune –  ليمون se voit obligé d’ajouter la deuxième mention de l’Hachette 2006

Persévérance dans une longue tâche.

La révolution, une longue tâche. Une tâche longue et contrairement à certains préjugés, une tâche non linéaire. Dans les révolutions, il y a des pas en avant, et des pas en arrière. Et pourtant, il n’est pas rare d’entendre et au-delà, que « la révolution, c’était bien, mais c’est fini maintenant« .

Situation inimaginable la veille du 14 janvier 2011 : ça polémique au consulat! et pas sur l’incompétence des agents d’accueil, ni sur la désobligeance de celui qui se chargera de prélever nos empreintes. « Il faut qu’ils arrêtent maintenant. La Tunisie, il ne lui faut que la force. La dictature, la dictature, c’est ce qu’il faut aux Tunisiens pour éviter le chaos. »  C’est au tour de cet usager d’entrer dans la pièce convoitée, qui, sans persévérance aucune, ajoute ne pas vouloir « attendre dix ans pour cette révolution ». Sa patience dans la file d’attente aura en revanche porté ses fruits puisque le pouce enduit d’encre bleue, il vient de déposer son dossier de renouvellement de carte d’identité.

Si la file d’attente est linéaire en France, comme s’acharne à le démontrer monsieur l’usager, tout en rabaissant le Tunisien en Tunisie incapable de faire preuve d’organisation (et « c’est bien pour ça qu’il ne mérite pas la démocratie« ), les révolutions, elles, qu’elles soient françaises ou tunisiennes, ne le sont pas. « Les ruptures ne sont pas définitives. Certaines situations sont déviées pour ramener les insurrections populaires à des guerres civiles. Les révoltes populaires contre les régimes dictatoriaux confrontés à des répressions sanglantes ouvrent, de plus, la possibilité à toutes les manœuvres des puissances dominantes et environnantes. Elles rendent plus difficile la perception des enjeux de long terme par rapport aux situations dramatiques. »(« Les enjeux du Forum social mondial de Tunis« , Gustave Massiah)

Difficile alors de mettre la révolution au futur, son futur ne se mesure pas sur deux ou trois ans, mais s’étale sur le chemin d’une génération. Ce qui est en revanche observable aujourd’hui, c’est le mouvement, les mouvements apparents, les mouvements émergents, les mouvements sociaux, les mouvements citoyens. Laissons donc voir ce que portent ces mouvements dans le temps long. La douce et discrète odeur du jasmin ne laisse pas indifférente quand la fleur est prise par le mouvement ou par le souffle du vent.

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Révolution au futur
©Pasina & Limoune

Je ne suis pas inquiet parce que nous sommes dans une phase transitoire. Le mouvement révolutionnaire a débuté en 2008 avec l’insurrection du bassin minier. […] Avant la chute de Ben Ali, ce sont les associations (ligue des droits de l’homme, associations de défense des droits des femmes) et les syndicats (Ugtt) qui ont pris l’initiative de battre le pavé. [Alaa Talbi, directeur  du Forum social tunisien]. Source : Le Temps d’Algérie

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