Place Tahrir, la DéroBée
J’ai connu la place Tahrir bruyante, grouillante de monde. La place Tahrir inspirée et animée. La place Tahrir désillusionnée et fatiguée. Je regarde depuis peu la place Tahrir désaffectée, droguée aux anxiolytiques.
J’attendais sagement que la place de la Libération (Tahrir en arabe) soit libérée, soit rendue à l’espace public. Chaque soir, j’espérais que le métro s’arrête au cœur du centre-ville pour desservir la station Sadate, fermée depuis trois mois, qui mène à la place Tahrir.
Hier, l’évidence m’a frappée. La sortie de la station voisine Nasser qui mène à la cour de justice est chaque jour un peu plus militarisée. Chaque parcelle de l’espace public occupée par un char est une parcelle dérobée aux passants.
Hier, la première manifestation dans le centre qui fait suite à l’application de la nouvelle loi sur les rassemblements se déroulait à quelques mètres. Cette loi qui oblige tout organisateur à informer les autorités d’un rassemblement trois jours avant sa tenue permet au ministère de l’Intérieur de l’interdire s’il estime que cela représente une « menace pour la sécurité ».
Hier, les manifestants ont occupé la place Talaat el-Harb, bien plus petite que sa voisine Tahrir. Les manifestants n’étaient pas des Frères musulmans et quand bien même, ils l’auraient été, l’idée n’est pas de tolérer une violence injustifiable, mais de réfuter une idée reçue et relayée par bien des médias « tout rassemblement en Egypte serait lié aux Frères musulmans ». Ceux qui étaient présents hier s’unissaient autour de la campagne « Non aux procès militaires », pour dénonce le maintien d’un article dans la future Constitution autorisant les procès civils devant des tribunaux militaires.
Hier, depuis la place Tahrir, l’armée a lâché des mètres cubes de gaz lacrymogènes, avant de venir disperser le rassemblement pacifique.
Hier, j’ai compris que l’armée et son général ne comptaient pas diminuer la dose d’anxiolytiques administrée à Tahrir. Qu’ils ne rendraient pas la place qui les a menés au pouvoir, quelques mois plus tôt.
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