Égypte : transports en commun au féminin

Article : Égypte : transports en commun au féminin
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10 novembre 2018

Égypte : transports en commun au féminin

Tous les matins, je me poste au coin de la rue qui fait office d’arrêt de bus sans savoir le type de voyage qui m’attend. Aujourd’hui, je te fais grimper avec moi. Tiens-toi prêt, parfois le bus ne s’arrête pas et il va falloir que tu l’attrapes au vol. Essaie de déchiffrer les stations desservies sur l’avant du bus ou tends l’oreille pour percevoir la destination dans les braillements de l’apprenti – l’apprenti au Sénégal, c’est le mec à l’arrière du bus qui annonce la destination et je t’avoue que je ne suis pas sûre qu’on lui ait donné un nom ici. Tiens-toi à la barre de la porte arrière – Oui, au Caire, on monte à l’arrière et on descend à l’avant – et saute.

Femmes sur le quai de métro au Caire – Sara Haba

Si tu as cliqué sur cet article pour découvrir mes expériences enrageantes vécues en tant que femme dans les transports en commun, tu vas être déçu – ce n’est pas le sujet de l’article – et puis, tu peux regarder le film Les femmes du bus 678, ça te donnera une idée du fléau. Ce que je te propose ici, ce sont mes astuces pour te montrer qu’on peut être une femme au Caire et prendre les transports en commun.

Chapitre I – Le bus

  • Tu montes, le bus est blindé ! Sérieux, reste sur la marche, tu te prends le vent dans la face, tes doigts sont crispés sur la barre de peur de tomber. Mais, au moins, seul le vent pourra frôler ton postérieur.
  • J’ai toujours avec moi un sac à dos qui fait office de carapace mais surtout de distance de sécurité.
  • J’ai mes bras devant ma poitrine, un peu comme quand je protège mon visage à la boxe, l’idée étant toujours la même, tu l’auras compris : établir une distance de sécurité.
  • Je regarde droit devant moi. Je ne sais pas si ça sert à quelque chose, mais je le dis.
  • J’évite les tenues légères et trop moulantes. Je ne vais pas te dire comment t’habiller, le plus important vraiment, c’est que tu te sentes à l’aise dans tes vêtements et de ne pas avoir envie de te couvrir quand un regard se pose sur toi. Perso, j’ai d’abord été un sac patate au Caire, essayant constamment de cacher le moindre bout de peau jusqu’aux poignets… mais au final, c’était pareil, j’avais le droit aux mêmes regards, aux mêmes remarques. Maintenant, j’opte pour le côté pratique des vêtements qui me permettent de courir pour choper le bus, même s’il refuse de s’arrêter.
  • Quand il y a de la place dans le bus, je me précipite pour m’asseoir à côté d’une femme et le mieux, c’est de se jeter sur les sièges individuels, histoire d’être sûre que personne ne viendra m’embêter tout au long du trajet. Et j’ai alors le privilège d’apprécier une agréable escapade, admirant la cacophonie du Caire et bavant à l’approche du Nil. Je m’assois aussi à côté d’hommes – oui, contrairement à ce que l’article peut laisser croire, les passagers masculins du bus ne sont pas tous des affamés de chair fraîche et toutes les mains masculines cairotes ne sont pas baladeuses – mais j’évite constamment le siège côté fenêtre car si l’homme prend ses aises, écartant  ses jambes ou tanguant  son corps, je n’ai pas d’autres options que d’écrabouiller mon petit corps contre la fenêtre. Côté allée, j’ai l’impression d’avoir un contrôle sur cette fameuse distance de sécurité puisque je peux déplacer mes jambes vers l’allée…
  • Quand le bus était rempli, j’avais pris l’habitude de me placer devant une femme en croyant naïvement que mon postérieur serait moins reluqué. Mais, j’ai trouvé mieux : je me mets à la recherche des angles dans le bus et je m’y faufile, plaçant l’arrière de mon corps exactement dans le coin, à l’abri de tout regard malsain et de mains prétendument maladroites.
  • Le prochain conseil s’adresse à tous, homme ou femme. Quand tu veux descendre, tiens-toi prêt bien avant d’arriver à la station, les chauffeurs impatients ne prennent pas toujours le temps de s’arrêter complètement. Je me souviens encore d’un homme qui avait sauté trop tard et qui est tombé la tête sur le trottoir ou du jour où je portais un carton de 10 kilos de mangues dans les bras – Oui, je rentrais en Tunisie et ce fruit exotique ne court pas les rues dans le pays de l’olive et du jasmin – le chauffeur a refusé de s’arrêter et le saut périlleux du bus a été une catastrophe, surtout pour les mangues, au grand bonheur de mon oncle Smaïl qui a pu apprécier leur jus à Tunis.

Chapitre II – Les alternatives

  • Le métro reste l’option la plus pratique. Il y a des arrêts déterminés, le métro s’arrête sans que tu aies à crier le nom de ta station et il y a des wagons réservés aux femmes. En journée, il y en a trois et le soir, il n’y en a plus qu’un. Les autres wagons sont pour tout le monde, hommes et femmes confondus. Mais j’ai une grande préférence pour le wagon des femmes où bien que ce ne soit pas agréable de se faire écrabouiller aux heures de pointe, je préfère être entourée par la gent féminine. Et puis, il y a un bonus chez les femmes que j’ai appelé le marché déambulant. Mouchoirs, lingettes, cire d’épilation, maquillage, chaussettes, house de téléphone, écouteurs, couteaux, spatules, économes, chocolats, céréales… les vendeurs ambulants cachent des trésors dans leurs sacs qui feraient pâlir de jalousie Mary Poppins. Avant les élections de 2014, on a même eu le droit à la vente de fausses cartes d’identité de Sissi, l’actuel président – ne me demande pas à quoi ça sert. 
  • Le micro-bus reste mon transport en commun préféré. Tu es assuré d’avoir une place et tu peux le prendre et t’arrêter où tu veux sur son trajet.

Je prends les transports en commun de jour comme de nuit. La nuit ne rend pas les transports en commun plus dangereux dans une ville qui ne dort presque jamais.

Bonne route !

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