Limoune

Questions à… une Tunisienne

Il m’est très difficile de représenter ma bourgade outre-Méditerranée. Mais, à Dakar, en l’absence de chéchiya sur pied ou de gosier éduqué aux piments broyés, le choix ne m’a pas été laissé. Légitimité non assumée, c’est face aux mondobloggueurs que j’ai dû affirmer ma partialité.

Name : Mohamed Amine AbbassiDescription : Description:Tunisia is a woman, and every woman of the land is Tunisia à Jendouba
Name : Mohamed Amine Abbassi
Description: Tunisia is a woman, and every woman of the land is Tunisia
à Jendouba – Tunisie

Si « la Tunisie est une femme et que toutes les femmes du pays sont la Tunisie », comme l’affirme Mohamed Amine Abassi, photographe amateur tunisien [que je vous invite à soutenir],  Limoune – ليمون accepte de se prêter au jeu des questions-réponses dont elle en présente ci-dessous le Top 3.

3. Qu’est-ce-que vous avez gagné ?

Probablement la question la plus récurrente. De manière brute ou détournée, Stephane, Gaïus, Danielle et d’autres s’interrogent sur la révolution fantasmée et ses lendemains diabolisés.

Sur place, j’ai répondu : la peur enterrée, la liberté de s’exprimer, la liberté de se rassembler et l’appropriation de l’espace public.

Mais, je n’ai pas livré l’avis de Smaïl : la censure a été remplacée par la menace.

Ni celui de Naceur : la liberté a été trahie par le chaos.

2. Blédarde ou beurette ?

Après m’avoir souvent provoquée avec ses questions pro-nahdaouies, Boubakar, l’étudiant malien maghrebophile, algéranophile, et raïophile, s’attaque à mon statut en France. Cette question m’a plu, car pour une fois, elle n’impliquait que moi. Mais, si pour être beurette, il me faut être née en France, la dénomination « blédarde » s’applique à moi, par défaut !

1. Et la Tunisie, comment ça va ?

Posée par le presqu’engagé William, autour du petit déjeuner, au premier jour de la formation #MondoblogDakar, la question la plus simple est définitivement la lauréate de ce classement. Je ne sais pas si je mettrais ça sur le coup du réveil matinal, mais, aussi inattendue que spontanée, ma réponse fut :  » Euh, ça dépend sur le plan gouvernemental ou celui de la société civile ».

« Commençons par le départ, la santé ! », me répondit William.

Le roi Mohammed VI, place de l'Indépendance.©Limoune
Le roi Mohammed VI, place de l’Indépendance.
©Limoune

 Mention spéciale : « Tu es belle comme lui. »

Je ne pouvais boucler ce classement sans accorder une mention spéciale  au chauffeur du mini-bus. Alors que nous arrivions Place de l’Indépendance, le roi du Maroc, Mohammed VI – affectueusement appelé M6 par d’autres – s’imposa à nous. Le chauffeur me lança alors : « Ah comme toi ! »

« Euh, non, il est marocain« , répondis-je. Et, sa réponse, révélant une répartie sans mesure, fut un des compliments à écrire dans l’Histoire du monde, l’Histoire du Maroc, dans l’histoire de Limoune : « Tu es belle comme lui. »


La Poste : « on n’a pas idée de ce qui se passe derrière le guichet »

Fin mars 2013, la Poste dédommageait une de ses employés en CDD pendant 22 ans. Si certains postiers ont obtenu gain de cause en portant plainte, d’autres restent à l’écart. Louisette raconte ses quinze années à la Poste.

« Ca ressemble à une fourmilière », c’est la première phrase que prononce Louisette pour briser la glace. Dans la salle de restauration, les femmes discutent par groupe. Leurs voix cohabitent, s’accumulent, s’entrechoquent. L’air grave et attristée, le sourire franc et fatigué, Louisette, les bras croisés, reste en retrait. Elle se frotte les yeux avant de dessiner des gestes lents et précis pour exprimer son exaspération.

Son visage n’est pas ridé. Seules quelques mèches blanches et des yeux creusés que révèlent des joues gonflées trahissent son âge avancé. Louisette, à la retraite depuis cinq ans, est incommodée par le bruit. « Je travaillais dans une salle pendant quinze ans, où on n’entendait que le bruit des claviers toute la journée. », explique-t-elle.
Laissant derrière elle Pointe-à-Pitre, sa ville natale, Louisette arrive en métropole, et décroche du boulot à la Poste. Après l’accueil, les virements à traiter, Louisette est chargée de l’encaissement des chèques. « Débit – Crédit, débit et crédit », récite-t-elle mécaniquement.

©Limoune
©Limoune

« Les gens parlent des fonctionnaires mais ils ne savent pas. Il faut avoir vécu la situation pour pouvoir la juger. » Par heure : 400 chèques à traiter. Derrière : une journée à assurer. Seule une pause de trois minutes toutes les heures viendront reposer les yeux esquintés. Et, il faut recommencer. Les poignets sont de nouveau légèrement apposés sur le bord du bureau permettant aux doigts de rapidement s’agiter sur les touches du clavier.  Le canal carpien, le nerf meridian et les vertèbres lombales n’ont eu que quelques minutes de repos qu’ils doivent de nouveau garantir la tenue de Louisette, qui si elle veut profiter de sa prochaine récré, doit toutes les heures, faire afficher 400 – au minimum – sur le compteur de son ordinateur. Et son dos n’a pas intérêt à flancher, sa santé n’a pas intérêt à claquer car les congés maladies fermeront la porte aux éventuelles promotions et aux possibilités d’évolution. « On critique les fonctionnaires. Mais on n’a pas idée de ce qui se passe derrière le guichet. »

« La grande pause, c’est le midi. On avait de 20 à 30 minutes ». La pause déjeuner ne laisse pas aux ouvrières et ouvriers administratifs le temps de discuter. De s’organiser. Ni même de s’écouter. Sa santé, Louisette a cessé de s’en préoccuper. Son corps, elle a continué d’ignorer. C’est seulement après avoir quitté ses bureaux aliénants que Louisette devient attentive à ces maux. « Je ne me rendais pas compte avant », se confie-t-elle. La chirurgie s’impose. Son poignet droit a été opéré. Après une convalescence prolongée, l’arthrose digitale s’y est ajoutée et l’agilité de sa main droite s’en trouve déstabilisée. Louisette proteste. « La Poste ne reconnaît pas le syndrome carpien comme maladie professionnelle« .

«Une maladie est professionnelle si elle est la conséquence directe de l’exposition d’un travailleur à un rythme physique, chimique, biologique, ou résulte des conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle.»
Art. L461-1 à L461-8 du Code de la Sécurité Sociale


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Sénégal : Dis-moi quel âge a ton manuel, je te dirai pourquoi

Dakar. 2013. Le pays a tourné le dos à l’éducation coloniale. Les programmes de l’Education nationale ont été africanisés. Mais l’idéologie postcoloniale n’a pas quitté les manuels scolaires sénégalais.

Les manuels français dominant le marché.©Limoune
Les manuels français dominant le marché.
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A même le sol, sur un stand de livres face au lycée technique Seydou Nourou Tall, quelques manuels scolaires sénégalais mènent un combat contre une pile française. Timides, les rares autochtones ne représentent à peine tous les niveaux. Si le primaire ne compte qu’un disparu, le secondaire pourrait être disqualifié avec ses quatre absents. Fière et imposante, la pile néo-colonisatrice, elle, se distingue, se tenant à une cinquantaine de centimètres du sol. Ridés et épuisés, les manuels sénégalais s’écaillent et s’effritent pendant que leurs confrères français font dorer leurs teints métissés : les couvertures vertes, bleues, blanches et rouges font un bain de soleil.

Ton manuel va sur ses cinquante ans

« Le Sénégal ne dispose pas de manuels conformes aux programmes », explique Abdoul Sow, historien et maître de conférences à la faculté des sciences et technologies de l’éducation et de la formation (FASTEF) de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Membre contributeur de la commission de l’élaboration des  programmes d’histoire-géographie, il représente le Sénégal à la commission de l’Unesco pour la réécriture des manuels scolaires d’histoire en Afrique. Leur projet : didactiser le savoir savant présenté par des historiens africains dans les huit tomes de l’Histoire générale de l’Afrique en savoir scolaire.

L’élaboration de cette Histoire africaine est lancée aux lendemains des indépendances. « C’est dans le cadre de cette « Françafrique », construite principalement à partir d’une Afrique subsaharienne francophone préalablement « balkanisée », que fut négocié le devenir de l’enseignement des Africains encore ombilicalement lié à la France. » [Ibrahima Seck, Esclavage et traite des esclaves dans les manuels de l’enseignement secondaire du Sénégal : des programmes de domestication coloniale aux programmes dits d’enracinement et d’ouverture, Historiens géographes du Sénégal, n°8, septembre 2009, page71]. Et, c’est en 1965 que les nouveaux programmes visant à réformer l’enseignement colonial de l’Histoire sont adoptés.

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« Ce sont des manuels non actualisés », Abdoulrahmane Ngaide
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Mais « dès 1966, les éditeurs français, notamment Nathan et Hatier, se ruèrent sur ce nouveau marché et publièrent les premiers manuels consacrés aux programmes africains. » [I. Seck]. Les collections de manuels, produits par le centre africain de recherche et d’action pédagogique (Carap) et l’Institut pédagogique africain et malgache (Ipam), entre les mains de certains élèves sénégalais datent de la même année. Depuis, les réformes du programme scolaire sénégalais se sont enchaînés, mais les manuels, eux, ont perduré. « Ce sont de vieux manuels non actualisés. », confirme Abdoulrahmane Ngaide, historien, maître-assistant au département d’histoire de l’Ucad.

Qui détient le pouvoir détient le stylo qui écrit l’Histoire

« Nous avons, pendant quelques années, eu un programme issu de la colonisation. C’est cet enseignement que j’ai suivi  au début des années 60 », affirme Mor Ndao, historien et professeur d’Histoire à l’Ucad. Avant d’enseigner à l’université, il a eu, face à lui, pendant une vingtaine d’années, des élèves du primaire et du secondaire. L’enseignement alors réformé par les historiens africains, il insiste, comme le préconise le programme national, sur « la traite negrière, l’exploitation coloniale et surtout le rôle et l’impact des résistants africains pendant la conquête ». Finie ! la glorification du rôle de la France civilisatrice qui a pallié au vide africain et qui a pacifié le terrain.

Mor Ndao déplore néanmoins l’idéologie post-coloniale : «il faut dépasser l’histoire de l’Etat nation d’Hegel amené par la colonisation ».  Une idéologie qu’il n’est pas aisé d’éliminer de nos modes de pensée puisqu’il a permis de construire une nation au lendemain de la colonisation. « Les chefs politiques ont eu besoin de s’appuyer sur leurs héros, cette nouvelle élite en place était en quête de légitimité et elle s’est appuyée sur une histoire nationale dans laquelle les populations doivent se reconnaître. », souligne Mor Ndao.

L’Histoire est un enjeu pour le pouvoir en place. « Le dominateur veut imposer son idéologie au niveau de l’histoire qui précède sa domination. », reprend Abdoulrahmane Ngaide avant de conclure : « L’idéologie est un filtre, il faut apprendre à nous essorer. Nous absorber d’une idéologie qui ne soit pas issue de l’étranger. » Se défaire d’un système colonial dont nous sommes héritiers, tel semble être le défi sénégalais, tunisiens et affiliés.


« Raconte-moi Dakar » – chez Ibrahim

Le temps d’une semaine, Limoune – ليمون accompagne Madigbe Bintou Kaba, blogueur guinéen, vivant au Maroc, dans les rues de Dakar pour son reportage sur la ville. Son choix : parler de la ville à travers le portrait de ses habitants. Première rencontre ce lundi 8 avril, au plateau, « chez Ibrahim ».

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Sourire franc, allure décontractée, Salama n’est pas le propriétaire des lieux. Il est le père d’Ibrahim qui tient cette boutique de tissus venus de Turquie, du Golfe et de Chine. Salama n’est ni turque, ni chinois. Il est dakarois. C’est son cœur qui le lui dit. Né au Liban, Salama arrive en 1933 à Dakar à l’âge d’un an. « Nous sommes arrivés lors de la colonisation française. », annonce-t-il en sirotant son café.

Depuis la colonisation pendant laquelle Salama voulait rejoindre l’armée, son engagement politique s’est estompé. « On vote, on se sent sénégalais, on fait notre devoir, mais on ne rentre pas dans la politique, ni moi, ni mes enfants. »

Salama a aujourd’hui 80 ans. Ses enfants se sont mariés et vivent à Dakar. Il a vu le Plateau se transformer, il a vu les commerçants y remplacer les tailleurs, et il a vu les rues changer de noms. Fier de présenter la rue AbdouKarim Bourgi et la rue du Liban, Salama rappelle qu’il ne terminera pas sa retraite au Liban. « Le Liban, c’est pour les vacances. Si je pars, je vais rester seul. A Dakar, il y a ma famille et les amis que l’on s’est fait. »


« Si tu ne comprends pas l’arabe, rentre dans ton pays »

Derrière un regard fixe et sévère, Julius témoigne des discriminations dont il continue à être victime dans son quotidien d’étudiant africain sub-saharien en Tunisie. Rencontre avec Julius, étudiant camerounais à Tunis, qui préfère parler en anglais, de peur de voir son témoignage altéré. Une expérience humaine, que l’on ne peut contredire, qui vaut par et pour elle-même. Propos rapportés – sans immixtion  – par Limoune – ليمون.

« A l’université , on ne s’assoit pas à côté de moi. » – Julius
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« Quand je salue les gens – Salem a^leykom – on me pose la question « Es -tu Africain ? », Je répond « Oui ». Arrive alors la deuxième question « Es -tu musulman », de la réponse à cette question dépendra la poursuite ou non de la conversation. »

« J’habite à Ariana [Banlieue nord de Tunis] et maintenant, on organise nos sorties dans nos propres restaurants sinon le propriétaire met du parfum avant que l’on entre du fait que les Noirs sentiraient mauvais. Parfois, on fait des repas dans l’appartement, les voisins appellent la police qui vient contrôler nos papiers et vérifier que nous sommes en séjour régulier. Mais ce n’est pas tout puisqu’ils [les policiers] se permettent de voler. Une de nos amies, qui a reçu de l’argent de ses proches aux Etats-Unis pour se faire soigner, a été volée. »

« A Sfax, nous sommes allées avec un réseau de migrants faire une sensibilisation auprès des jeunes sur les droits du migrant. Quand j’étais sur l’estrade, j’ai entendu des chants racistes, et certains criaient « kahlouch [noir] kahlouch », je me suis senti mal. »

« Dans notre immeuble, il y avait un message écrit en arabe, j’ai demandé à un voisin de me le traduire et il m’a répondu « Si tu ne comprends pas l’arabe, rentre dans ton pays ». […] Ma plainte est aussi refusée, si elle n’est pas faite en arabe. »

« On n’est pas traité comme des humains parce qu’on est subsaharien. »


Tunisie : Racisme en déni

« Non au racisme, dignité nationale ! » Les mots entendus la veille lors de la marche d’ouverture du Forum social mondial à Tunis retentissent ce mercredi 27 mars au matin sur le campus universitaire d’el Manar.

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Marche vers l’atelier sur les tunisiens noirs
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Pour approfondir le sujet, il suffit de suivre l’Association Adam pour l’égalité et le développement. Rejointe par quelques citoyens tunisiens, par la délégation négro-brésilienne Unegro ainsi que par des membres d’associations négro-américaines pour l’égalité, la marche a mené ses participants à un atelier sur les Tunisiens noirs (histoire, présent et avenir).

Représentant environ 15% de la population tunisienne, la minorité noire est « discriminé et invisible des sphères politique, médiatique et culturelle« , selon Tawfik Chairi, président de l’Adam. Au lendemain de la révolution, la jeune association se constitue pour réclamer sa présence et sa reconnaissance dans une Tunisie plurielle. Leur mode d’action : attirer l’attention de la société civile et celle de l’Assemblée constituante. Si les associations ont été réceptives, l’Assemblée constituante fait, elle, la sourde oreille face à la pétition en faveur de l’inscription de la pénalisation de la discrimination raciale dans la Constitution.

Une partie de la population, dont l’esprit a été colonisé par le message dominant, a suivi le mauvais exemple, et il n’est pas rare en Tunisie d’entendre « Kahlouch, Kahlouch » (« le Noir », « le Noir »), au passage de Tunisiens noirs. Certains ont beau prétexter qu’il s’agit d’une appellation affectueuse qu’ils emploient aussi avec leurs enfants, le stigmate remplace l’affection quand il s’agit de nommer une personne par sa couleur.

Un point historique lors de la conférence sur la présence de la minorité noire en Tunisie a retiré toute éventuelle ambiguïté. Si de Bizerte à Tataouine, en passant par Maharès, les Tunisiens noirs sont souvent désignés par le mot « oucif » (esclave en arabe), il faut savoir que

Tous les Noirs ne sont pas descendants d’esclaves.

Tous les esclaves n’étaient pas noirs.

Né de la rencontre entre les commerçants arabes allant vers le Sud et les commerçants d’Afrique sub-saharienne, l’esclavage est le produit des guerres tribales africaines. Les prisonniers de guerre étaient alors devenus une marchandise aux mains des commerçants.

En Tunisie, la plupart des esclaves était alors envoyé au travail dans les oasis du Sud . D’autres, plus rare, étaient dans le Nord et sur la côté, cantonnés au travail domestique. Alors que la minorité noire était alors organisée comme communauté, avec l’abolition de l’esclavage en 1846, leur reconnaissance juridique des noirs et de leur statut minoritaire par l’Etat est, elle, aussi abolie.

La colonisation française pérennisera ce vide juridique et au lendemain de l’indépendance, la Tunisie suivra le modèle français dans la non-reconnaissance de ses minorités. Elle ne reconnait que l’individu face à l’Etat. Après la révolution, la ligne de conduite reste la même et la simple reconnaissance des actes racistes dans la législation semble être un parcours du combattant. Si la question raciale est un problème politique, le droit tunisien constitue un blocage.

Aujourd’hui,  Limoune –  ليمون  se ravie de constater qu’une élite, issue de cette minorité, lève sa voix pour réclamer une représentativité dans le Parlement, la diplomatie et dans la haute administration, d’où elle a toujours été exclue.

Mais la société civile doit elle aussi être mise face à ses ambiguïtés, être sensibilisée et ce dès le plus jeune âge à cette question. Le débat ne devrait pas être cantonné à la capitale autour de question de représentativité politique mais devra atteindre les régions, celles du Sud y compris, d’où pourraient émerger les revendications les plus proches de la base populaire.


Un autre monde est possible – Forum social mondial à Tunis

Des drapeaux par centaines, des slogans par milliers ont animé le centre ville de Tunis mardi 26 mars. A l’occasion de l’ouverture du Fourm social mondial, une marche pour la dignité a été organisée aux couleurs du monde entier. Les cris tunisiens ont rejoint les chants mapuches, les danses kurdes ont retrouvé les slogans sénégalais.

« Travail, liberté, dignité nationale », scandaient les Tunisiens. Mais le cri qui a fait l’unimité était « Le peuple veut la chute » repris à la sauce palestinienne, syrienne, égyptienne, belge, brésilienne, féministe, pacifiste…

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La Tunisie accorde sa voix à celle de l’organisation mondiale des femmes
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La délégation sud-africaine chante. L’Afrique n’est pas à vendre.
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Tunisiens, Palestiniens, Algériens, Espagnols et Français, unis autour du drapeua palestinien.
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La délégation marocaine pour le respect des droits de l’Homme dans les camps de Tindouf
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La délagation kurde d’Irak d’un pas lent et déterminé.
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La radi’O’citoyens

Lors du forum mondial des médias libres, Peet, ingénieur indépendant, a animé lundi 25 mars un atelier consacré à la conception et à la fabrication d’émetteurs de transmission radio.

Limoune –  ليمون, avec ses connaissances approximatives en watt et hertz a dû s’accrocher aux côtés des participants tunisiens en charge de radios locales libres , pour comprendre, mettre en pratique et partager ces nouvelles connaissances qui, mises entre les mains de citoyens contribuent à la liberté d’information.

A la façon d’un Fablab, sur la table de Peet, face aux participants venus des Etats-Unis, d’Allemagne, d’Italie, de France et des régions de Tunisie, étaient installés outils et matières premières de quoi laisser nos instincts trouver à chaque étape le ou les éléments nécessaires.Mais avant de se lancer dans la fabrication, commençons par vulgariser les étapes de transmission du signal radio.

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The steps of the path of radio signal

Le dessin est beau, la superposition de l’alphabet latin à l’alphabet arabe donne un bel effet, mais le tout ne suffit pas à éclairer les néophytes.

Le petit bonhomme symbolise le DJ. Le DJ a un microphone qui lui permet de capter sa voix ou bien un CD ou une interview qu’il souhaite passer à l’antenne. Ce son passe alors par un mixeur qui va nous permettre de choisir le niveau pour chaque source et de constituer qu’un seul son à sa sortir. Le mixeur peut être doublé si besoin  d’un compresseur qui lui évite la distorsion des signaux. Le son alors constitue revient au DJ qui porte un casque.

Afin que le son soit confirmé en audio, il passe par un transmetteur, qui si l’on veut optimiser sa durée de vie, doit être accompagné par un mesureur SWR (Taux pour des ondes standards). Cet instrument dispose de deux aiguilles, celle de gauche permet de mesurer la puissance du signal alors que celle de droite indique un mauvais réglage. Le branchement à l’antenne permettra alors le lien avec le monde extérieur. La radio transformera alors les ondes en son.

Laissons la théorie et attaquons la pratique, l’objectif étant de fabriquer une antenne. L’ installation des connectiques se fera à l’aide d’une antenne provisoire, que l’on appelle également antenne WO (65$), dont la distance d’émission est insuffisante pour la mise en place de radio pirate, que l’on remplacera donc par l’antenne artisanale.

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Fabrication de l’antenne
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Tubes PVC, tubes en acier, aluminium, connecteur, étain, fer à souder, colle, vis, perceuse et scie auront été nécessaires pour que les participants construisent leur antenne au bout de quatre heures.


Palestine : Nos jours heureux

Excursion pour les femmes du village de Tayibeh, en Palestine de 48. Au programme : randonnée, histoire, politique et botanique à travers la visite des villages détruits et confisques de Galilée.

« Gloire à Dieu, Celui Qui a mis cette monture à notre disposition, alors que nous n’eussions pu la dominer. Et c’est à Dieu que nous retournerons. » Les femmes achèvent la récitation de leurs prières avant que le bus ne prenne la route vers la Galilée. Organisée par el Tajamo (le Rassemblement), parti politique arabe d’Israël, l’excursion se veut citoyenne et militante.

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Départ pour les femmes et les enfants de Tayibeh pour visiter les villages détruits de Galilée
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Excitées, bruyantes et impatientes, les femmes âgées de 12 à 70 ans s’agitent dans le bus, les unes chantant, les autres racontant des anecdotes ou discutant des repas qu’elles ont concoctés pour le déjeuner. Les plus calmes d’entre elle lisent le journal ou s’offrent une sieste matinale. Au fond, les plus jeunes, munies de leurs téléphones portables, écoutent les tubes de l’été et leurs éclats de rire rythmeront le voyage. Les femmes ont tout prévu pour l’occasion : si ce n’est pas des bottes qu’elles ont aux pieds, ce sont des Crocks qui les aideront à surmonter la marche qui les attend.

Revivre la destruction

« Beaucoup ne savent pas qu’il existe des villages disparus, explique Bassam, organisateur de l’excursion, c’est pour cela que nous avons choisi cette sortie. » Tout au long de la journée, les femmes bénéficieront d’explications historiques d’un guide sur les villages détruits et confisquées. Des villages qu’on ne peut plus admirer. Des villages détruits transformés en cité dortoir israélienne ou en kiboutz. Des villages qui n’existent que dans la mémoire des réfugiés ou dans l’imaginaire des passionnés d’Histoire.

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Les femmes découvrent à leurs rythmes les ruines des villages
©Limoune

Pourtant, ces villages reprennent vie alors même que le guide prononce leurs noms originaux. « On ne trouve plus les noms arabes des villages sur les cartes. Il n’y a que des noms modifiés ou en hébreu. C’est un crime culturel », avance le guide, en replaçant sa casquette blanche. « Officiellement, on compte plus de 530 villages détruits en Palestine de 48, mais ils sont en réalité au nombre de 1800. », explique-t-il. L’espace d’un instant, le temps d’une histoire, les kiboutz n’existent plus et les palmiers refont surface au centre des villages disparus.

Mais le récit des opérations de nettoyage ramène les femmes à la triste réalité. L’occupation est de nouveau sous leurs yeux. La dépossession refait son apparition et devant les paysages verts ne restent que les écriteaux en hébreu.

Culture et plaisirs

Plus qu’une sortie culturelle et patriotique, l’excursion s’apparente à un bol d’air frais pour ces femmes. Dans le bus, le voyage prend des airs de classe verte avec les bonnes élèves qui participent et répondent à chaque question.

Peu à peu, l’odeur du thon, du fromage ou de la sauce tomate s’échappe des sandwichs pour atteindre les narines des voyageuses. L’appel du ventre est alors plus fort que les explications du guide, qui le comprend aussitôt : « Mesdames, nous allons déjeuner à Nabi Yousha devenue Nabi Yesha. Depuis sa destruction, le village a été transformé en une forêt nationale. », annonce-t-il.

Le ventre plein, les femmes récupère leur concentration. Le village de Nabi Yesha retrouve alors son histoire, devant les oreilles attentives des femmes. L’attention est tout de même à son maximum dès lors que le guide mentionne les raisins et les tomates qui ont fait la réputation de ce lieu.

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Attentives, les femmes écoutent les explications du guide.
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Le long d’un fleuve, le guide propose une pause détente. Le moment pour certaines de faire leurs prières et pour d’autres de tremper leurs pieds dans l’eau. « Si je saute, tu sautes », lâche Yasmine à sa nièce, avant d’éclabousser ses voisines en criant : « L‘eau de la Palestine, il n’y a pas mieux que l’eau de la Palestine ! ». Le guide saisit alors l’occasion pour donner une leçon de géopolitique de l’eau en concluant par un proverbe palestinien : « Ce qui est peu cher est toujours présent mais ce qui est cher est rare. »

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« L’eau de la Palestine, il n’y a pas mieux que l’eau de la Palestine »
©Limoune

Les femmes rentreront ravies, leurs glacières et leurs sacs à dos vides, mais leurs bras remplis de raisins ramassés sur leurs chemins. « Et bien quoi ? C’est de la terre palestinienne ! », se justifient-t-elles.

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