Diviser sans régner
Ne sachant pas ce qu ‘il se passera demain en sortant du boulot, ne sachant pas à quel point les images et les cris joueront sur mes idées, ni quel effet auront la lacrymo et le ramadan sur mes émotions, je laisse, au risque de déplaire, une trace de ce que furent mes pensées suite à la manifestation d’hier sur l’avenue Bourguiba et au sit-in du jour face à l’assemblée constitutionnelle.
Légitime, le gouvernement qui nous représente, ne l’est plus. Et, ce n’est pas l’assassinat du député Mohammed Brahmi qui l’a rendu illégitime. Lors des élections constituantes, les citoyens tunisiens ont donné à la Troïka un mandat d’un an, avec pour mission d’écrire une Constitution et d’organiser les prochaines élections présidentielles. Deux ans plus tard, le délais est dépassé, la Constitution n’est qu’au stade de brouillon contestable et la tenue des élections est sans cesse repoussée. La légitimité de l’assemblée constituante, dont se sont retirés 52 députés de l’opposition, est contestée et contestable.
La dissolution de cet organe ainsi que la chute du gouvernement actuel sont aujourd’hui exigés par une partie des manifestants d’hier et par les sit-iners, qui se relaient devant l’assemblée constituante à Bardo. Une dissolution, et après ? Après, un gouvernement de salut national aurait en charge les missions dans lesquelles la Troïka a échoué.
Si les manifestations sont légitimes, je doute de la légitimité d’un gouvernement de salut national qui exclurait les partis au pouvoir qui, qu’on le veuille ou non, ont des adeptes.
Je ne suis pas Nahdaouiste
Je ne l’ai jamais été, d’ailleurs telle n’est pas la question. La question est la suivante : comment pouvons-nous exclure du jeu politique un parti auquel une partie de l’électorat, bien qu’amoindrie, a encore confiance. L’erreur qui doit être évitée est de ne pas reproduire celle d’Ennahda qui a divisé les citoyens de son pays sans régner. Je condamne avec fermeté la violence policière d’hier, d’aujourd’hui et peut-être celle de demain, mais celle-ci ne doit pas nous aveugler. Pour construire, il ne suffit pas de tourner une assiette endommagée, en faisant des nahdaouistes une minorité rejetée. Depuis l’arrivée de la Troïka au pouvoir, le peuple se divise petit à petit, ne restons pas figés sur ces divisions pour avancer.
Au royaume des marionnettes, aucun membre de la Troïka n’a aujourd’hui de crédit. En crise de légitimité, le parti Ennahda ne remportera jamais le scrutin si le gouvernement en place daigne un jour organiser des élections. Par les voix de l’urne ou celles de la rue, le gouvernement de demain ne sera pas celui de ce soir.
Je souhaite une excellente nuit à chaque citoyen tunisien et que puissent être nos voix, nos choix, nos voies dignes et responsables.