22 décembre 2014

Parole aux abstentionnistes

Leurs doigts ne sont pas marqués par l’encre bleue indélébile qui recouvre l’index de tout électeur tunisien. Quand on croise une de ces mains vierges, on s’empresse d’éveiller en elle un semblant de remords à coups de reproche, du type  « t’es pas un citoyen, toi ! ou bien, ce sera de ta faute ». Même la question « ti a3lech [mais pourquoi] »– l’accent tunisien aussi tonique qu’accusateur a ici toute son importance – sonne comme un reproche moralisateur.

« Là, comme ça, tu ne fais plus partie du groupe. Tu ne participes pas avec le peuple ». Cet acte individuel, pointé du doigt – tiens, il était bleu celui-ci – dans le tramway de la capitale ce midi, n’est pas un acte isolé.

©TSA
©TSA

Un taux de participation de 53 %

Je m’abstiens, tu t’abstiens, il s’abstient, elle s’abstient, 47 % de la population tunisienne s’abstient. Chaque pronom personnel a un âge différent et à eux quatre, ils représentent les générations en âge de voter.

Tu et Elle s’expriment. « Je ne veux ni d’Essebsi ni de Marzouki comme président, donc peu m’importe », explique Elle. « Tu veux que je te dise quelque chose d’important », s’insurge Tu, « voter Béji Caid Essebsi, c’est dire adieu aux terroristes, mais renoncer à quelques libertés. Voter Moncef Marzouki, c’est continuer à vivre avec le terrorisme sur le territoire, et nos libertés actuelles. Je ne peux pas choisir entre la sécurité ou la liberté. »

« Au premier tour, j’ai participé parce que je voulais voter pour Hamma. Cette fois-ci, je ne veux pas. Je ne veux pas faire barrage contre l’un et puis, regretter d’avoir voté pour l’autre », poursuit Elle. Hier, Tu hésitait encore entre l’abstention et le vote blanc. Quel qu’ait été son choix, il n’a pas été pris en compte. Et pourtant, il semble y avoir trois votes dans cette élection présidentielle : le vote pour Béji Caïd Essebsi, celui pour Moncef Marzouki, et l’autre vote à respecter autant que les deux précédents.

Partagez

Commentaires