Limoune

Parole aux abstentionnistes

Leurs doigts ne sont pas marqués par l’encre bleue indélébile qui recouvre l’index de tout électeur tunisien. Quand on croise une de ces mains vierges, on s’empresse d’éveiller en elle un semblant de remords à coups de reproche, du type  « t’es pas un citoyen, toi ! ou bien, ce sera de ta faute ». Même la question « ti a3lech [mais pourquoi] »– l’accent tunisien aussi tonique qu’accusateur a ici toute son importance – sonne comme un reproche moralisateur.

« Là, comme ça, tu ne fais plus partie du groupe. Tu ne participes pas avec le peuple ». Cet acte individuel, pointé du doigt – tiens, il était bleu celui-ci – dans le tramway de la capitale ce midi, n’est pas un acte isolé.

©TSA
©TSA

Un taux de participation de 53 %

Je m’abstiens, tu t’abstiens, il s’abstient, elle s’abstient, 47 % de la population tunisienne s’abstient. Chaque pronom personnel a un âge différent et à eux quatre, ils représentent les générations en âge de voter.

Tu et Elle s’expriment. « Je ne veux ni d’Essebsi ni de Marzouki comme président, donc peu m’importe », explique Elle. « Tu veux que je te dise quelque chose d’important », s’insurge Tu, « voter Béji Caid Essebsi, c’est dire adieu aux terroristes, mais renoncer à quelques libertés. Voter Moncef Marzouki, c’est continuer à vivre avec le terrorisme sur le territoire, et nos libertés actuelles. Je ne peux pas choisir entre la sécurité ou la liberté. »

« Au premier tour, j’ai participé parce que je voulais voter pour Hamma. Cette fois-ci, je ne veux pas. Je ne veux pas faire barrage contre l’un et puis, regretter d’avoir voté pour l’autre », poursuit Elle. Hier, Tu hésitait encore entre l’abstention et le vote blanc. Quel qu’ait été son choix, il n’a pas été pris en compte. Et pourtant, il semble y avoir trois votes dans cette élection présidentielle : le vote pour Béji Caïd Essebsi, celui pour Moncef Marzouki, et l’autre vote à respecter autant que les deux précédents.


Egypte : une fermeture d’association symptomatique de la lutte contre la société civile

Depuis l’élection présidentielle du maréchal Sissi en Égypte, l’étau se resserre de plus en plus sur les manifestants, les étudiants, mais aussi les associations. On s’est d’abord attaqué aux associations identifiées comme appartenant aux « ennemis intérieurs » de la nation, à savoir les Frères musulmans, puis à celles soupçonnées d’être liées aux Frères musulmans, puis on s’est mis à créer de nouveaux « ennemis intérieurs » en usant de la mention « menace à l’unité nationale » à tout-va.

Saisies et poursuites judiciaires sont désormais à craindre depuis juillet 2014 si les organisations non gouvernementales ne s’enregistrent pas auprès des autorités, ce qui permet de filtrer les associations en droit de continuer d’exercer ou non. L’association culturelle Alwan wa Awtar [Des crayons et des cordes] dans le quartier populaire de Zelzel au Moqattam semblait pouvoir s’en tirer sans blessure, car enregistrée auprès du ministère de la Solidarité sociale et exerçant depuis huit ans. Cette association s’occupe des enfants, des adolescents, et depuis trois ans de la petite enfance avec l’ouverture d’une classe maternelle Montessori aux frais symboliques. Et pourtant, elle a, elle aussi, été la proie d’un gouvernement autocratique de plus en plus paranoïaque.

Locaux de l'association Alwan wa Awtar
Locaux de l’association Alwan wa Awtar

Retour sur une fermeture orchestrée

Juin 2014. Nous revenons d’une sortie à la cité scientifique avec les enfants de la classe Montessori. Ils descendent du bus et retrouvent leurs parents qui arrivent avec des nouvelles peu réjouissantes. Dans la matinée, le représentant gouvernemental du Moqattam est venu dans les locaux de l’association, visiter les lieux et annoncer une ouverture d’enquête, suite à une plainte « factice ». Quatre chefs d’inculpation reposent sur Alwan wa Awtar : attouchements sur enfants, financement étranger et israélien, propagande politique et construction illégale. Seule la dernière accusation est véridique, puisqu’un escalier de sept marches a été construit pour permettre aux enfants de trois à six ans de rentrer dans leur classe sans passer par le hall de l’immeuble. Mais depuis quand l’administration égyptienne qui laisse pousser des constructions illégales d’immeubles à gros budget dans la ville du Caire est-elle devenue si regardante quant à la légalité de quelques marches dans un quartier délaissé par les pouvoirs publics ? La fermeture provisoire de l’association est prononcée, en attendant les avancées de l’enquête.

Dans la classe Montessori de l'association
Dans la classe Montessori de l’association

Août 2014, l’association Alwan wa Awtar est priée de plier bagages « as the buildings are reserved for low-income housing and can not be used for activities ». Une dizaine de jeunes perdent leurs emplois et des centaines d’enfants du quartier de Zelzel perdent leur principal lieu d’activité. Depuis, les parents ont lancé une pétition, la fondatrice de l’association Azza Kamel a reçu le prix Takreem pour l’innovation dans l’éducation; et parce qu’elle souhaite reprendre ses activités, elle devra enregistrer l’association avec un nouveau siège social auprès des autorités. Mais retour au début de cet article et au texte de la fédération internationale des droits de l’homme, « le ministère de la Solidarité sociale pourrait s’y opposer dans les 60 jours au motif que les activités prévues seraient interdites par la loi. Les activités interdites sont décrites à l’aide de concepts vagues, tels que « menacer l’unité nationale ou contrevenir à l’ordre public ou à la moralité », ou encore « s’engager dans n’importe quelle activité politique » ».


Un cinéma tout aussi africain que nous

A l’occasion de la 25e édition des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), lancées en 1966 par Tahar Cheriaa, je me suis rendue cet après-midi à la maison de la culture Ibn Rachiq afin de voir le film sénégalais de Dyana Gaye Des étoiles. Bien que j’aurais souhaité que le film fasse salle comble comme ce fut le cas pour L’Oranais de l’Algérien Lyas Salem  deux heures plus tôt au cinéma Colissée, j’étais plutôt ravie de voir une cinquantaine de spectateurs africains – et qui plus est tunisiens – dans la salle.

Des etoiles_0x

Chaque instant de mon quotidien est une occasion de découvrir des aspects des humains qui m’entourent dans ce pays que certains se sont mépris d’appeler le « Paris africain ». Par ce post, l’idée n’est pas de généraliser une attitude observée chez plusieurs Tunisiens dans une salle de cinéma, mais de pousser un coup de gueule à l’encontre d’un comportement qui se veut de plus en plus blid [mesquin].

Des étoiles, film à la fois poétique, dramatique et drôle emporte les spectateurs dans une constellation de l’exil entre Turin, New York et Dakar. Les touches humoristiques du film font la joie des spectateurs qui éclatent de rire en entendant le franc-parler d’une Ivoirienne immigrée ou en appréciant les vannes bien calibrées de Sophie, la timorée sénégalaise perdue à Turin… L’humour prend parfois des allures universelles et touche les spectateurs, quel que soit le côté du Sahara duquel ils viennent.

En revanche, quand on demande à Thierno, Américano-Sénégalais ce qui l’a marqué en arrivant à Dakar, un tuniso-spectateur, qui n’a probablement jamais mis un pied de l’autre côté du Sahara et qui devrait regarder les rues de sa ville, précède l’acteur et hurle « lousakh [la saleté] » et une bonne partie de la salle se met à pouffer de rire, l’humour peut aussi se parer de son costume chauvin. Thierno vient à la rescousse de mes compatriotes et répond « les odeurs », ce qui ravit les comiques de la salle.

Pendant l’enterrement du père de Thierno à Dakar, les sages, réunis dans le cimetière, se mettent à psalmodier La illah ila Allah [Il n’y a de Dieu que Allah] avec bien évidemment un accent wolof. Et, comme si les Arabes avaient le monopole de la psalmodie du Coran, les rires fusent dans la salle. Certains des spectateurs de la rangée devant moi se bouchent le nez, d’autres se cachent derrière leur veste et les plus fiers assument pleinement leurs rires mesquin.

Mais, le pire reste à venir quand lors d’un gros plan sur Abdoulaye, immigré sénégalais à New York, les commentaires se multiplient sur son « gros » nez et ses lèvres « imposantes ». Si le film ne vous plaît pas ou insulte votre tolérance, veuillez sortir de la salle et ayez un minimum de respect pour l’humanité, l’Afrique, la culture et le cinéma.

Il ne suffit pas de s’offusquer ou de crier au mensonge face au propos de Mariame Touré dans sa lettre aux Tunisiens sur le racisme ordinaire en Tunisie pour dire non au racisme. Tahar Cheriaa, symbole du cinéma africain et arabe a toujours prôné son panafricanisme, et a fait des JCC le premier festival africain non pas pour analyser la morphologie des Sub-Sahariens à l’écran, mais pour entamer un vrai dialogue entre les cultures des deux côtés du Sahara.


Place Tahrir, la DéroBée

J’ai connu la place Tahrir bruyante, grouillante de monde. La place Tahrir inspirée et animée. La place Tahrir désillusionnée et fatiguée. Je regarde depuis peu la place Tahrir désaffectée, droguée aux anxiolytiques.

Tahrir, desafecté. © Limoune
Tahrir, désaffectée. © Limoune

J’attendais sagement que la place de la Libération (Tahrir en arabe) soit libérée, soit rendue à l’espace public. Chaque soir, j’espérais que le métro s’arrête au cœur du centre-ville pour desservir la station Sadate, fermée depuis trois mois, qui mène à la place Tahrir.

Hier, l’évidence m’a frappée. La sortie de la station voisine Nasser qui mène à la cour de justice est chaque jour un peu plus militarisée. Chaque parcelle de l’espace public occupée par un char est une parcelle dérobée aux passants.

Hier, la première manifestation dans le centre qui fait suite à l’application de la nouvelle loi sur les rassemblements se déroulait à quelques mètres. Cette loi qui oblige tout organisateur à informer les autorités d’un rassemblement trois jours avant sa tenue permet au ministère de l’Intérieur de l’interdire s’il estime que cela représente une « menace pour la sécurité ».

Hier, les manifestants ont occupé la place Talaat el-Harb, bien plus petite que sa voisine Tahrir. Les manifestants n’étaient pas des Frères musulmans et quand bien même, ils l’auraient été, l’idée n’est pas de tolérer une violence injustifiable, mais de réfuter une idée reçue et relayée par bien des médias « tout rassemblement en Egypte serait lié aux Frères musulmans ». Ceux qui étaient présents hier s’unissaient autour de la campagne « Non aux procès militaires », pour dénonce le maintien d’un article dans la future Constitution autorisant les procès civils devant des tribunaux militaires.

Hier, depuis la place Tahrir, l’armée a lâché des mètres cubes de gaz lacrymogènes, avant de venir disperser le rassemblement pacifique.

Hier, j’ai compris que l’armée et son général ne comptaient pas diminuer la dose d’anxiolytiques administrée à Tahrir. Qu’ils ne rendraient pas la place qui les a menés au pouvoir, quelques mois plus tôt.


Voyager, seule et libre

Une nouvelle chronique aéroportuaire. Du côté tunisien, cette fois où depuis cet été les citoyennes sont officieusement invitées à présenter une autorisation paternelle ou maritale de sortie du territoire. Après témoignages, rumeurs, démentis et silence, mon tour est venu, suite à un aller-retour Le Caire-Tunis, de joindre ma voix à cette cacophonie hésitante.

Autorisation parentale © Limoune
Autorisation parentale  © Limoune

Août 2013. Plusieurs témoignages dans la presse relaient le cas de Tunisiennes majeures bloquées à l’aéroport en raison de l’absence d’autorisation parentale ou maritale. Ce que j’ai d’abord pris pour du zèle d’un douanier s’est très vite confirmé par la récurrence des épisodes similaires qui ont finalement également touché la gente masculine en partance pour l’Égypte, le Maroc, la Jordanie, la Syrie et la Turquie.

C’est ainsi que mon cousin, à défaut d’avoir une femme dont on se serait peu soucié de son autorisation, a dû emmener son père à l’aéroport pour rejoindre le Maroc. Ce mois-ci, des amies ont également dû remettre à l’officier leur autorisation parentale ou maritale avant de s’envoler vers la Turquie. Si mes proches ont été prévoyants, ce n’est pas parce que les responsables politiques ont fait preuve de transparence, mais parce que l’agence touristique, alertée par ses voyageurs, les a invités à le faire.

Cette procédure qui n’a jusqu’aujourd’hui été officialisée est justifiée par le départ au djihad de citoyens tunisiens aux côtés de combattants syriens. Punition collective intempestive, ladite autorisation permet alors de filtrer les éventuelles sorties à risque vers la Syrie, ses pays limitrophes, le Maroc et l’Égypte.

Manque de pot, c’est dans ce dernier pays que j’étudie ! Alertée par mon cousin que la mesure puisse encore être d’actualité, j’envoie mon père vers les autorités adéquates pour remplir l’autorisation officielle. Quand l’agent lui demande l’âge de sa fille, très vite, il se rend compte que je suis majeure. Il appelle donc son supérieur qui lui fait comprendre qu’il se sent insulté par cette demande. Mon père lui explique qu’il aurait aimé ne pas venir remplir ce document l’obligeant à faire de la route, mais qui le met surtout face à une situation qui lui est insupportable.  Le supérieur refusera de signer ladite autorisation.

Munie de mon autorisation d’une valeur inachevée, je présente mon billet et mon passeport à la police des frontières. S’en suit une série de questions allant de la plus pratique à la plus intime et pour mettre fin à cet interrogatoire qui n’a pas lieu d’être, je dépose mon autorisation, dans laquelle sont inscrits en lettres capitales les mots SEULE et LIBRE. Après l’avoir lu, elle m’annonce, troublée, que « c’est fini ».

Quoi donc ? L’interrogatoire, l’autorisation pour les majeurs ? « C’est bon », répondra-t-elle en me rendant passeport et billet. Je me contenterai de cette phrase sans vraiment comprendre pourquoi l’agence de voyages continue de demander aux voyageuses de se présenter avec ladite autorisation, sans vraiment comprendre pourquoi le jour même mes amies ont été invitées, de manière non détournée, à présenter leur autorisation, sans vraiment comprendre pourquoi l’autorité locale a refusé de signer mon autorisation, sans vraiment comprendre pourquoi « c’est fini ».


Tunisie/Egypte : la diplomatie des passeports verts

Février 2013, tout détenteur d’un passeport tunisien criait victoire à l’annonce de la fin des visas d’entrée en Égypte pour les voyageurs des pays du Maghreb. Une mesure de courte durée, semble-t-il, puisque lors de mon entrée sur le territoire en septembre 2013, mon passeport dépourvu de visa paraissait boiteux.

Cinq ans auparavant, l’innocente fraîchement débarquée à l’aéroport que j’étais – je voyais le monde arabe tel l’espace Schengen où tout passeport vert serait accepté sans broncher – avait été invitée à rejoindre son pays pour y faire une demande de visa égyptien. Les déclarations des services consulaires égyptiens en ce début d’année avaient fait renaître en moi ma naïveté passagère. Toute fière, je me pavane, passeport à la main, dans l’aéroport du Caire, dépassant les Européens obligés de faire la queue pour acheter un visa-autocollant. Sûre de moi, je dépose, sourire aux lèvres, mon passeport sur le comptoir de la police des frontières, avant de croiser le regard accusateur de mon interlocuteur.

– Où est l’autorisation [visa] ?

– Dans ton [Ma bonne éducation m’a empêché de lui lancer une vulgarité]. Nous n’en avons plus besoin depuis février.

– Qui t’a-dit ça ?

– Il y a eu une annonce officielle des services consulaires égyptiens.

Manque de pot, une mise à jour officielle n’a pas été faite. Suite aux événements égyptiens de cet été, le gouvernement tunisien, pour montrer son opposition ou pas au pouvoir militaire, a quintuplé le prix des visas d’entrée sur le sol tunisien pour les Égyptiens. Œil pour œil, dent pour dent, l’Égypte n’a pas attendu octobre comme officiellement annoncé pour appliquer la réciprocité des visas. A l’heure où l’instabilité des deux pays ronge le secteur du tourisme, Tunisiens et Égyptiens devront payer 125 euros pour entrer sur le territoire de l’autre, alors que l’Européen déboursera environ 25 euros pour entrer en Égypte et pas un sou en Tunisie.

© Limoune
© Limoune

Hamdoulah ‘al salama. Welcome to Egypt !

Allah iselmek…


Bouillon de paix : rencontre avec Marie-Thérèse, directrice des projets Montessori en Egypte

Mélanger éducation à la paix, travail social et pédagogie Montessori en Egypte [vidéo en arabe] et vous vous trouverez nez à nez avec l’égyptienne Marie-Thérese Bishay. A l’occasion de la journée de la paix et pour poursuivre la découverte de la pédagogie Montessori, initiée par Nora, Limoune a frappé à la porte de l’ambitieuse, souriante et positive directrice des projets Montessori du centre One World en Egypte. Entretien.

Limoune : Pouvez-vous vous présenter et nous dire comment vous avez découvert la pédagogie Montessori ?

[Marie Thérèse mentionne Margaret Richardt. D’origine américaine, elle s’installe en Egypte en 1983 pour y fonder l’école internationale de Montessori, suite à une première expérience en Egypte en 1971.]

 

Limoune : Comment la pédagogie Montessori s’est-elle introduite en Egypte ?

 

Limoune : En Tunisie, mais aussi en France, l’éducation Montessori reste un privilège pour ceux qui ont les moyens de financer une école privée, comment avez-vous fait pour réussir à monter trois écoles dans les quartiers populaires du Caire à Imbaba, au Moqattam et à Manchiet Nasr ?

 

Limoune : Comment a été accueilli le projet ?

 

Limoune : Est-ce que vous pensez que l’éducation Montessori peut transformer une société ? Pourquoi ?

 

Limoune : Quelle est la principale différence avec la pédagogie de l’éducation nationale en Egypte ?

 

Limoune : Quels sont les apports de Maria Montessori à l’éducation à la paix ?

 

Nora : Nous venons de voir quels sont les objectifs relatifs à l’éducation que doit affronter l’Egypte, quels sont les défis relatifs à la paix, auxquels l’Egypte doit faire face ?

 

Nora : Comment votre centre contribue à semer des graines de paix dans les cœurs de la population égyptienne ?

 

Nora : Croyez-vous que l’Egypte sortira de la crise ?

[El Sahaab yourid signifie « le peuple veut ». La formule la plus connue scandée lors des révolutions arabes est « el shaab yourid isqat el nidham », ce qui signifie « le peuple veut la chute du régime ».]

 

Limoune : En ces temps d’instabilité dans le pays, quel message délivrez-vous en tant qu’éducatrice Montessori aux enfants ou à leurs parents ?


« Etablir la paix durablement est le travail de l’éducation »

Il est des femmes inclassables, des femmes dont l’étendue des compétences dépassent l’entendable, rendant toute présentation de la personne quelque peu périlleuse tant l’exercice serait fastidieux. C’est sous l’angle de la femme de paix que ce billet à deux plumes, à l’initiative de Nora, rend hommage à Maria Montessori,

née le 31 août 1870.  Première femme médecin en Italie en 1896, elle travaille en psychiatrie auprès d’enfants handicapés. Psychologue et pédagogue, elle crée en 1907, la première maison des enfants.

Ayant solidement établi ses théories sur la base de son expérience pratique, elle développa une véritable philosophie de l’éducation et traça des perspectives nouvelles qui, avec le temps, allaient progressivement révéler leur valeur exceptionnelle. [Avant-propos, Maria Montessori, L’éducation et la paix]

Si la pédagogie active de Maria Montessori est mondialement connue avec ses principes de base telle qu’une approche holistique, un environnement adapté, le respect du rythme de l’enfant, l’accès à l’autonomie, l’autodiscipline et l’expérimentation, sa contribution à la paix, qui lui a valu d’être nominée pour le prix Nobel de la paix, l’est moins.

Une date, un événement ! Une date, un hommage ! 31 Août 1870 – 31 Août 2013, voilà aujourd’hui 143 ans depuis sa naissance, en passant par sa mort en mai 1952, que l’univers a vu parcourir le nom ce cette grande dame, qui d’une manière exceptionnelle, a su impacter son environnement, son temps et qui a sans le savoir confié une mission à la nouvelle génération, celle de semer dans les cœurs des Hommes la Paix.

Mais en fait, que dit la philosophie de Maria Montessori ? Nora et Limoune propose ici et une réflexion commune pour mettre en lumière la pensée de Maria Montessori en matière de paix, dont la citation «Etablir la paix durablement est le travail de l’éducation. La politique ne peut qu’éviter la guerre.» qui, parmi ses actions et ses œuvres, a retenu notre attention aboutissant à ce billet collectif.

« Politique et paix durable : une terrible illusion d’optique »

Affiche reprenant le discours politique de Bachar-al-Assad, dans une école du Kassioum, Syrie.  © Limoune
Affiche reprenant le discours politique de Bachar-al-Assad, dans une école du Kassioum, Syrie. © Limoune

Simple à la lecture, cette citation vaut bien plus qu’un simple enchaînement de mots. Profonde de part sa compréhension, cette réflexion met en évidence la cohabitation difficile entre la politique et la paix durable. Il ne s’agit pas pour Maria Montessori d’une recherche de semblant de paix, mais bien plus, d’une Paix durable, d’une Paix effective et consistante. Tâche quasi impossible au monde politique, qui dans ses différentes stratégies n’a cherché depuis toujours qu’à réduire les risques d’implosions. Tout semble à croire que les leaders politiques de par le monde, inavouement, luttent non pas pour une paix durable mais pour une paix de façade tout en entretenant les crises et les conflits de part et là.

Sinon, comment comprendre, que la crise syrienne en soit arrivée à ce stade sans que les acteurs ne soient capables de la résoudre ni de l’anticiper ? Comment comprendre que la plupart des institutions internationales d’édification de la paix, préfèrent investir plus dans la gestion et dans la transformation d’un conflit que de soutenir des actions de prévention de conflits à travers des projets d’éducation à la culture de paix et de la non violence ? Comment comprendre que la consolidation de la paix ne vienne à l’idée qu’après la consommation des dégâts ? Mais au fait, qu’est ce qui justifie une telle réalité ?

Hervé Ladsous, Secrétaire Général Adjoint des Nations Unies chargé des opérations de maintien de la paix, dans une de ses analyses dira que « (…), le maintien de la paix ne peut pas se substituer à un accord politique ».

C’est dire que la consolidation de la paix ne peut en aucun cas être assimilée à un accord politique, qui d’après les expériences peine à aboutir à cause de son caractère imprévisible dû aux intérêts cachés des différentes parties prenantes. La paix doit être avant tout une question de processus, de culture, de conscientisation, d’engagement afin d’espérer un changement réel non pas par la prise de résolutions, ni de multiples dialogues de paix mais par une action concrète de responsabilité à travers une stratégie d’éducation nationale, voir sous régionale et internationale.

Tant que les leaders politiques n’investiront pas assez, en amont pour semer des graines de paix dans les cœurs et les esprits des gens, vaine sera la préservation de cette denrée rare qu’est la paix. « Dire que « la politique ne peut qu’éviter la guerre », a été tout simplement bien dit par Maria Montessori.

« Tout se joue dans l’éducation »

Un élève dans une école syrienne, Kassioum.  © Limoune
Un élève dans une école syrienne, Kassioum. © Limoune

On ne peut correctement traiter la question de paix en se limitant au point de vue, étroit et négatif, hélas trop fréquent en politique, qui consiste à chercher comment éviter la guerre, comment résoudre les conflits entre pays sans recours à la violence. (Maria Montessori, L’éducation et la paix)

La mention « sans recours à la violence » pourrait être retirée tant l’actualité prouve que les politiques semblent faire de la violence un moyen d’atteindre la paix. Appeler « paix » le triomphe des objectifs d’une guerre est un leurre retardant notre parcours vers une paix vraie. Cette paix que nulle guerre ne pourra apporter, que nul gouvernement ne pourra imposer.

La paix ne s’impose pas. Elle se construit. Elle s’apprend. A l’échelle des rapports entre les peuples. Au sein de sa société, mais aussi au sein de son quartier, de sa famille et de sa classe. La paix, que permet la tolérance, cette « capacité à reconnaître que l’autre est à la fois semblable à moi et digne des mêmes égards, et en même temps radicalement différent et digne du même respect, se pose à l’échelle des rapports interindividuels comme à l’échelle des rapports des rapports entre les civilisations et les religions« , s’acquière dans l’éducation.

Changer la représentation du monde, bâtir la fraternité mondiale des croyances, apprendre l’interdépendance qui nous unit et la diversité qui nous enrichit, apprendre la responsabilité : tout cela se joue dans l’éducation. (Maria Montessori, L’éducation et la paix)

Une éducation qui ne doit pas se contenter d’un rôle négatif qui consisterait simplement à confisquer aux enfants les objets de guerre ou de changer la manière dont l’Histoire est enseignée. Le rôle de l’éducation n’est pas d’écarter les risques de guerre, mais de permettre à l’enfant d’analyser les événements contemporains et la structure actuelle de nos sociétés, tout en lui insufflant l’entraide et l’autonomie, au détriment de la compétition, de la récompense et de la punition.

Cette pratique et bien d’autres types de conditionnements qui conduisent à un sentiment d’infériorité, ouvrent la voie à une attitude irréfléchie de respect, presque d’idolâtrie, chez les adultes, paralysés face aux dirigeants publics […] (Maria Montessori, L’éducation et la paix)

Afin de traverser les crises contemporaines, il est urgent d’instaurer une science de la paix, entre expérience et analyse, entre réflexion et action, au cœur du corps éducatif. Mais si l’éducation devrait avoir en charge la transformation d’une société, le progrès social ne pourrait être atteint sans coopération.

 

 


Journée mondiale du blog : la parole aux mondoblogueurs

Le 31 août 2013 marque la journée mondiale du blog. A l’initiative de Baba Mahamat, les mondoblogueurs immortalisent cette date de la manière la plus simple possible en répondant à la question : que représente le blogging pour vous ? 13 d’entre eux y répondent.
©Mondoblog - RFI
©Mondoblog – RFI
Baba Mahamat, Centrafrique
Il ne fait aucun doute, le blogging a inévitablement changé la face du monde. Le blogging est devenu une forme d’expression très prisée par des personnes et structures dans divers domaines. Il permet d’échanger avec les lecteurs qui participent à son animation. Il y a dans le blogging, l’esprit de mettre les lecteurs au centre en interagissant avec eux grâce à des commentaires autres formes de partage. Ce qui le rend différent du média traditionnel est le fait que n’importe qui peut tenir un blog et ce, sans une formation préalable contrairement au journalisme par exemple. Une manière de communiquer est née grâce au blog, le journalisme citoyen. En Centrafrique où les événements ont comlètement  bouleversé la vie de paisibles citoyens, bloguer me permet de brosser la situation extrêmement difficile que vivent mes citoyens et en profiter pour dénoncer une tragédie oubliée par la communauté internationale, qui aurait pu être évité si l’intérêt du peuple était au centre des préoccupations au détriment des considérations personnelles.
Limoune, Tunisie
Dernièrement, j’entendais un étudiant de l’école nationale de journalisme de Tunis s’insurger de l’inutilité du blog après la révolution. Un futur journaliste contre le blogging. Contre la diversité des points de vue rendue possible par Internet et la levée de la censure. Le blogging pour moi, c’est le bouleversement du schéma traditionnel de l’information, la fin du monopole des médias, la possibilité donnée à chaque citoyen d’avoir son mot à dire dans l’espace public.
Salma Amadore, Cameroun
Le blogging pour moi représente une activité qui me permet d’exercer le journalisme que j’ai toujours voulu, celui qui part des faits et des expériences des gens pour parler d’un sujet. Tenir un blog me permet de m’exprimer comme je veux, sans trop de sévérité. Pour moi qui a l’expérience des rédactions, j’ai été très frustrée des fois de devoir réécrire ou mettre aux oubliettes un article à cause « de la ligne éditoriale » du journal. En bloguant, je suis libre, je suis moi, je suis l’autre qui me lit et veut aussi me dire sa part de réalité. Loin de la routine des autres canaux d’information qui nous plongent dans la routine avec des mêmes personnalités, les mêmes stars, le blog est proche de l’homme ordinaire, c’est l’homme ordinaire qui est au centre du blog, celui qui veut s’exprimer et ne le peut pas dans les chaînes officielles, trouve dans le blogging, le moyen de s’exprimer, d’échanger et de s’enrichir de nouvelles connaissances.
Bloguer pour moi, c’est tout simplement être moi. Ecrire pour dénoncer et interpeller, sans mensonge et sans maquillage.
Sans trop de crânerie, je dirais que, le blogging est pour moi, ce que la raison est pour le philosophe. Car cela me permet de pénétrer  la profondeur de la réalité quotidienne de mon pays. Réalité que j’essaie de parler sur mes blogs avec un ton un peu différent des médias classiques.
Depuis le jour que j’ai commencé à bloguer pour de vrai, je ressens  que, quelque chose a changé en moi en tant que citoyen. Après plus de deux ans de d’activité, désormais, je me sens plus engagé, plus concerné dans la lutte de la nouvelle Haïti, dont je suis un fanatique.
Mylène Colmar, Guadeloupe
Lancer un blog, écrire un billet, puis un autre, et encore un autre, en veillant à se renouveler, à livrer des informations (de son point de vue) intéressantes, à garder un œil critique. Animer un blog, lire les commentaires des lecteurs, se réjouir des compliments, répondre aux questions, défendre son point de vue et faire entendre sa voix. Tenir un blog, avec difficulté, parfois, avec plaisir, souvent, avec sincérité, toujours.
Pascaline, France
Deux ans. Voilà deux ans que j’écris et que le blogging à pris une place de plus en plus importante dans ma vie. C’était d’abord une distraction, un moyen pour moi de prolonger mes écrits universitaires d’une manière beaucoup plus ludique, en racontant et en vivant de belles sorties culturelles. Puis, c’est aussi devenu un moyen de compter ma vision du monde, mes voyages, mes passions tout en réfléchissant au regard que je portais dessus, en le déconstruisant. Aujourd’hui, c’est devenu un biais indispensable par lequel je développe ma pensée, mes idées, en les confrontant aux lecteurs. Leurs réactions me font avancer, réfléchir, remettre en question dans mon écriture mais aussi dans cette vision du monde. Indispensable donc, pour demeurer une « femme qui interroge.
Aurore, Allemagne
Le blogging ou la valise 2.0.
Bloguer, c’est plier, empiler et ordonner au fond d’une valise virtuelle et planétaire des souvenirs, des avis, des incertitudes, des débats, des rencontres, des tous et des riens, des pleins et des vides, du futile, du sérieux, des histoires, de la poésie, des coups de gueule, des coups de joie, des injustices, des dénonciations, des déceptions, des messes basses, des combats, des confidences, des incertitudes, des Révolutions…
Blogueur par passion
C’est à la faveur d’un stage en médias et démocratie à Copenhague au Danemark en octobre-novembre 2010 que je me suis essayé au bloging. Ma passion pour le web journalisme me  permettra plus tard d’intégrer la deuxième édition de Mondoblog où, grâce à un encadrement judicieux, j’ai pu véritablement apprendre le b, a, ba, les contraintes et les exigences du blogging et de la publication en ligne.
Après la formation MondoblogDakar 2013, je revisite régulièrement mes connaissances à l’aune des innovations majeures, des mutations et des nouveaux développements du secteur médiatique, au jour le jour en tant que blogueur.
Aussi, pour moi, le blogging est une manière d’être, une forme d’expression parmi tant d’autres et pourquoi pas, un formidable espace d’échange, de partage.
Ladji Sirabada, Côte d’Ivoire
Mon blog, mes amis, le monde, la chaleur…
Parce que je blogue, j’appartiens à une communauté qui écrit et qui crie, qui saupoudre et qui fustige; une communauté qui arrange et souvent dérange, qui chante tout en interpellant, qui enseigne et renseigne, qui appelle et interpelle, qui éduque, distrait, et s’occupe…
Parce que je blogue, je convoque bon gré, mal gré une communauté qui se renseigne ou enseigne, qui partage ou s’enferme, qui se satisfait ou se plaint de, qui encourage ou insulte, qui consomme sans ou avec modération, qui dit merci ou merde, qui félicite ou blâme…
D’un coté ou d’un autre, en bloguant, je me mets à la croisée de plusieurs chemins. Chemins de confrères. Chemins de lecteurs. En bloguant, je partage mon monde ou ce qu’il y a à partager pour ne point me sentir seul.
Mon histoire du blog, commence avec la neige. Le blanc qui tombe et qui plonge le noir dans le lointain souvenir de la chaleur des terres ancestrales  et des miens.
En tombant, en m’enfermant dans un univers que je qualifiais  »aussi d’exotique », le blanc, m’a offert des pages blanches à remplir, m’invitant à me soustraire de la solitude, du dépaysement, d’un monde dans lequel, je me suis retrouvé, par concours de circonstance divine.
Mon blog fut, mon bois de chauffe. Il fut la vitrine de présentation de mon nouveau monde…
A chacun, je souhaite une expérience de blogging…pour un monde plus ouvert, sans barrière et avec beaucoup de chaleur…
Je bloggue; bloguons donc, puisque c’est la ten-dance.
Nelson Deshomme, Haïti
C’est une phrase magique qui a ouvert mes yeux sur le monde du blogging: « La beauté de l’internet c’est qu’on apprend en marchant ». Et dépuis lors, je fais de ce slogan ma principale source de motivation. En effet, le blogging est pour moi un centre d’apprentissage. Il m’est aussi un moyen de peaufiner mon écriture, et surtout d’apporter ma contribution dans la présentation d’une autre Haïti aux yeux du monde. Dorénavant, un blog est un instrument de communication où chacun peut placer son mot sur le dévenir de notre planète. Maintenant avec un blog, n’importe qui peut marquer d’une autre manière et de façon indélébile son passage dans ce monde.
Berliniquais, Martinique 
Pour moi, le blogging, c’est ma deuxième grande passion. Comme chacun sait, ce que j’adore par-dessus tout, c’est de chanter sous la douche. Mais malheureusement, quand je chante sous la douche, il n’y a personne pour m’écouter. C’est triste à mourir. En revanche, lorsque j’écris dans mon blog, le monde entier peut lire mes humeurs. Donc pour moi, écrire un blog, c’est un peu comme chanter sous la douche devant un large public ébahi d’admiration. Quel bonheur!
Parlons du blogging mais pas pour y consacrer un billet qui appelle, comme chacun le sait, chaque fois un sérieux et une application énormes. Il est tout simplement question de livrer son point de vue sur ce phénomène dont la fièvre a saisi le monde, singulièrement dans sa composante jeune.
Alors, c’est un avis très personnel que je vais livrer. Quand on me parle du blogging, je ne peux pas ne pas penser à dire que, dans un monde qui se débat dans l’entonnoir des crises politiques, économiques voire sociales, tenir un blog ne peut qu’offrir une possibilité de calmer la soif de s’exprimer qu’éprouvent des millions de femmes et d’hommes repartis dans tous les pays. Et surtout à un moment où les idées sont l’arme privilégiée dans la « guerre des places » qui oppose d’abord les grandes puissances, et accessoirement toutes les nations. Ainsi, le blog, en tant que site personnel, donne l’opportunité de prendre part à ce concert des idées qui animent le monde.
Pour le petit et modeste journaliste que je suis, qui tient un blog depuis bientôt une année, le blogging a été un espace où il défend ses convictions, sa position sur un sujet qui fait ou non la Une de l’actualité locale ou d’ailleurs. Et ce qui a le plus éveillé mon intérêt pour cette activité, c’est le droit à la subjectivité dont jouit le blogueur. Le droit de dire son ressenti du moment et ses impressions propres. Ecrire à la première personne du singulier (je) une analyse dans laquelle se retrouveront beaucoup de lecteurs, me parait plus responsable  que l’emploi du « Nous » que le journalisme trouve objectif, mais qui me semble manquer de sérieux. C’est aussi indiquer que le blogging est un espace, aussi grand que le rêve. C’est, bref, un déversoir !


Top 10 des préjugés véhiculés par Nsibti laziza sur les habitants du Rif

Les pétards de l’Aïd sont épuisés, les enfants, sucres d’orge aux becs, ont cessé de crier, le calme précaire installé est l’occasion de miser mon top 10 – exercice proposé par Ziad Maalouf – sur Nsibti laziza, une série ramadanesque qui arrive à sa 3ème saison et qui abuse des préjugés pour pouvoir exister.

Si cette année, Khmissa, personnage principal de la série, a déserté les écrans de la chaîne télévisée Nessma, les habitants du Rif, dont elle était censée représenter, les années précédentes, le prototype, n’ont pas été laissés de côté. Cette année, aux côtés de Jabala, son mari et de Fahem, son frère, les parents de Khmissa étaient au rendez-vous manqué du respect de l’altérité.

Les sciences sociales l’ont démontré : la différence n’existe pas en tant que telle, c’est le rapport entre deux entités qui la crée. […] La différence découle donc d’une construction qui aboutit à ce qu’une seule des deux entités comparées soit qualifiée de « différente », l’autre étant la référente. (Racisme : mode d’emploi, Rokhaya Diallo, P76)

Les habitants du Rif, ce sont les A’roubis, dont il a déjà été question ici, ces ruraux tunisiens dont l’essentialisation les réduit à une catégorie arbitrairement construite et nommes par les citadins qui permet de caricaturer leurs traits à l’excès, sous couvert d’un ton humoristique.

Les traits des « autres » sont exagérés de manière à devenir des particularismes propres à leur groupe, « naturalisés » comme des défauts intrinsèques ou des dispositions naturelles. (Racisme : mode d’emploi, Rokhaya Diallo, P79)

10. L’habitant du Rif est lourd, sa présence est insupportable, mais elle est bienvenue quand il s’agit de s’amuser. Suivre ces personnages de la série est un dur moment à passer ou une franche rigolade assumée.

9. L’habitant du Rif aime manger. Matin, midi, soir, il est devant un plat débordant de mets riches en sauce et en matières grasses, qu’il ingurgite en moins de temps qu’il vous a fallu pour lire cette ligne.

8. L’habitant du Rif est un squatteur. Quand ce n’est pas le beau-frère qui débarque dans la maison pour y rester trois saisons consécutives, ce sont les beaux-parents qui s’installent à la maison, devrai-je dire dans la chambre à coucher, sans même attendre l’accord du maître de maison.

7. L’habitant du Rif n’a pas le sens de l’hospitalité. L’hôte ne sait pas accueillir ses invités. Le beau-frère, éternel squatteur, puis les beaux-parents seront accueillis par une hypocrisie à peine dissimulée.

6. L’habitant du Rif est sale. Il [le beau-père] ne change pas sa djellaba, recycle ses chaussettes.  Il [le beau-frère] vit avec un âne dans la salle de bain et a les cheveux tellement gras qu’épis et antennes tiennent en équilibriste sur son crâne.

5. L’habitant du Rif a peu de considération pour sa femme. Il [le beau-père] l’appelle makhlouqa (créature).

4. L’habitant du Rif est arriéré. Il semblait vivre dans un autre espace temps, avant de rejoindre la ville. C’est à peine si elle [la belle-mère] sait décrocher le téléphone.

3. L’habitant du Rif ne sait faire preuve de savoir-vivre. Il [le beau-frère] parle la bouche pleine et ne paye pas son café. Même quand il tente de s’appliquer et de montrer l’étendue de sa finesse, il ne peut se contenir et s’empêcher de baver ou de piquer dans l’assiette d’autrui.

2. L’habitant du Rif ne sait pas parler. Il hurle. Elle a une voix stridente. Il n’articule pas. Elle bégaye. Il balbutie. Elle est incapable de prononcer une expression tunisienne sans l’écorcher.

1. L’habitant du Rif a une dégaine à faire fuir tout être normalement constitué. Il [le maître de maison] n’a pas compris qu’un bonnet devait protéger son crâne et pas seulement sa calvitie naissante. Il [le beau-frère] porte des chaussettes roses sous ses nu-pieds. Tous se pavanent avec  des vêtements trop grands, aux couleurs non accordées et cultivent leur attirance pour les chemises à fleurs et les pantalons multicolores.

L’habitant du Rif ne peut pas être cet ingénieur, obligé de rejoindre la capitale, à cause de la centralisation du pays. L’habitant du Rif ne peut pas être cet étudiant, faisant des aller-retours quotidiens, le montant de la bourse étant insignifiant face à la montée du coût de la vie. L’habitant du Rif ne peut pas être ce paysan, travaillant dignement la Terre dont il n’est pas le seul à savourer les fruits.

Pour reprendre le mondobloggueur Serge, qui m’a amené à me concentrer sur la réplique de Georges Clooney dans In the air (Up in the Air)

« I’m like my mother, I stereotype. It’s faster »

il semblerait que Nsibti laziza soit comme sa mère, qu’elle utilise les préjugés pour aller plus vite.