« Et je refuse de faire mon service militaire »

Article : « Et je refuse de faire mon service militaire »
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16 juin 2015

« Et je refuse de faire mon service militaire »

Passible de prison, refuser le service militaire obligatoire en Égypte n’est pas un acte sans lendemain. M. a officiellement exprimé son désaccord, mais c’est à l’asile que l’appareil militaire a préféré le placer. Récit d’un appelé agnostique dans les rangs de l’armée.

Militaire en Egypte

Appelé malgré lui

Septembre 2011. M. achève ses études de physique, et comme tout jeune Égyptien, il doit se présenter à l’administration militaire. Sans cela, M. se voit dans l’impossibilité d’obtenir un emploi officiel, et/ou de quitter le pays. Des groupes de jeunes invitent M. à fuir cette obligation, M. préfère affirmer officiellement son refus. Lors du passage devant les forces militaires, qui décident, selon la force physique de l’appelé et son niveau d’études, si ce dernier sera soldat (un an de service) ou officier (trois ans de service), M. au moment de donner son nom et son âge, décide d’ajouter la mention « et je refuse de faire mon service militaire ».

Repris par un militaire, il est invité à se présenter à un officier qui lui demande d’expliquer son refus. « Je suis contre le service militaire obligatoire et mes idées sont en opposition avec cette institution », répondit M. Esquissant un sourire, l’officier l’encourage à ne plus exprimer cette opinion et le place au rang de soldat – un an de service militaire.

S’en suit un mois d’entraînement à la base militaire d’Ismaélia, pendant lequel M. ne cessera de réitérer son refus de poursuivre dans les rangs. Si les officiers ne prêtent pas attention à ses dires, les soldats se montrent de plus en plus méfiants et n’hésitent pas à le dénoncer auprès de leurs supérieurs.

Très rapidement, les soldats remarqueront que M. ne se joint pas à la prière collective, pas même à la prière du vendredi. Ils savent qu’il n’est pas chrétien. M. se contente de leur dire qu’il n’est pas pratiquant. Mais, à quelques jours de la fin du mois d’entraînement, l’officier présente un document administratif que chaque soldat doit remplir. M. s’arrête sur une question : « De quelle religion vous réclamez-vous, islam, christianisme, judaïsme ? ». Il se lève. « Je n’arrive pas à répondre à cette question », déclare-t-il à l’officier qui lui répond : « Choisis ta religion ». « Aucune ne correspond », confia-t-il.

De l’armée à l’hôpital psychiatrique

Aussitôt mis à l’écart des autres soldats, M. se verra confisquer ses livres. Convoqué le lendemain par un autre officier, il découvre ses livres de philosophie au sol et pensant l’affliger, l’officier se met à les piétiner. N’observant aucune réaction de la part de M., l’officier l’interrogea du regard et M. lui dit que ces idées étaient désormais dans sa tête.

M. est ensuite convoqué à la base militaire d’Héliopolis au Caire où deux officiers de grade supplémentaire l’attendent. « En avouant mon agnosticisme, je ne savais pas où j’embarquais. Je me disais que ces gens au Caire, ne devait vraiment rien avoir à faire pour perdre leur temps avec moi », raconte M. Au Caire, toute la semaine, il subit plusieurs interrogatoires, retraçant son parcours, et identifiant les différentes personnes de son entourage.

M. n’hésite pas à expliquer chacune de ses opinions et cela révolte les officiers qui finissent par l’envoyer à l’hôpital psychiatrique. M. n’y subit aucune violence physique, mais il est témoin d’électrocution de patients. Il refuse toute administration de médicaments et placé dans une large pièce au milieu des patients, estimant qu’il n’est pas malade contrairement à ce que tous s’efforcent à lui faire croire, il s’isole, refuse de communiquer avec les médecins et débute une grève de la faim.

Sa vie étant en danger, les médecins en informent les officiers qui décident de mettre fin au drame et le déclare psychologiquement malade, atteint de troubles identitaires et donc inapte à poursuivre son service militaire. Le scénario prend fin en janvier 2012.

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Commentaires

Serge
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Merci pour ce billet qui illustre l'absure de la bureaucratie des républiques autoritaires... on se crorait dans un roman de Kafka...

Limoune
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Je t'en prie. Il y a beaucoup d'histoire de ce genre et de disparition parfois. Bonne journée et à bientôt

Jérôme
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Bonjour Limoune! Bravo pour votre blog! J'utilise fréquemment le jeu des citrons dans le cadre des mes animations d'éducation à la citoyenneté et de lutte contre les amalgames et préjugés! Heureux de tomber sur votre blog sur Mondoblog ;-) J'aurai plaisir à échanger avec vous! On se contacte? Amitiés

Limoune
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Bonjour Jérôme, j'ai eu beaucoup de plaisir à découvrir ton site. A très vite par mail. Merci pour ton passage