28 juillet 2013

Diviser sans régner

Ne sachant pas ce qu ‘il se passera demain en sortant du boulot,  ne sachant pas à quel point les images et les cris joueront sur mes idées, ni quel effet auront la lacrymo et le ramadan sur mes émotions,  je laisse, au risque de déplaire, une trace de ce que furent mes pensées suite à la manifestation d’hier sur l’avenue Bourguiba et au sit-in du jour face à l’assemblée constitutionnelle.

Légitime, le gouvernement qui nous représente, ne l’est plus. Et, ce n’est pas l’assassinat du député Mohammed Brahmi qui l’a rendu illégitime. Lors des élections constituantes, les citoyens tunisiens ont donné à la Troïka un mandat d’un an, avec pour mission d’écrire une Constitution et d’organiser les prochaines élections présidentielles. Deux ans plus tard, le délais est dépassé, la Constitution n’est qu’au stade de brouillon contestable et la tenue des élections est sans cesse repoussée. La légitimité de l’assemblée constituante, dont se sont retirés 52 députés de l’opposition, est contestée et contestable.

La dissolution de cet organe ainsi que la chute du gouvernement actuel sont aujourd’hui exigés par une partie des manifestants d’hier et par les sit-iners, qui se relaient devant l’assemblée constituante à Bardo. Une dissolution, et après ? Après, un gouvernement de salut national aurait en charge les missions dans lesquelles la Troïka a échoué.

Si les manifestations sont légitimes, je doute de la légitimité d’un gouvernement de salut national qui exclurait les partis au pouvoir qui, qu’on le veuille ou non, ont des adeptes.

Je ne suis pas Nahdaouiste

Je ne l’ai jamais été, d’ailleurs telle n’est pas la question. La question est la suivante : comment pouvons-nous exclure du jeu politique un parti auquel une partie de l’électorat, bien qu’amoindrie, a encore confiance. L’erreur qui doit être évitée est de ne pas reproduire celle d’Ennahda qui a divisé les citoyens de son pays sans régner. Je condamne avec fermeté la violence policière d’hier, d’aujourd’hui et peut-être celle de demain, mais celle-ci ne doit pas nous aveugler. Pour construire, il ne suffit pas de tourner une assiette endommagée, en faisant des nahdaouistes une minorité rejetée. Depuis l’arrivée de la Troïka au pouvoir, le peuple se divise petit à petit, ne restons pas figés sur ces divisions pour avancer.

Au royaume des marionnettes, aucun membre de la Troïka n’a aujourd’hui de crédit. En crise de légitimité, le parti Ennahda ne remportera jamais le scrutin si le gouvernement en place daigne un jour organiser des élections. Par les voix de l’urne ou celles de la rue, le gouvernement de demain ne sera pas celui de ce soir.

Je souhaite une excellente nuit à chaque citoyen tunisien et que puissent être nos voix, nos choix, nos voies dignes et responsables.

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Commentaires

serge
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vraiment dommage pour les pays du Magr. Mais qui a dit que la démocratie pouvait être installée en une ou deux ans, cela prendra au moins vingt ans.. faut surtout pas excluir les uns ou les autres

Limoune
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Bonjour Serge, je suis d'accord avec toi la démocratie n'arrive pas par un coup de baguette magique. Mais il semble parfois que les défenseurs de la démocratie l'insulte au profit de leurs intérêts. Le sit-in de Bardo est devenu une tribune de campagne présidentielle et j'ai du mal à m'y faire.

pascaline
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Merci de nous faire partager ton avis. C'est essentiel d'avoir un avis d'une blogueuse engagée comme toi, quand on est loin et que l'on veut se faire un opinion le plus précis possible. Comme je l'ai déjà dit, les comparaisons sont toujours dangereuses, mais on revient à la question de savoir si évincer les parties extrémistes du jeu politique ne les précipite pas dans la violence (on peut parler de l'exemple Algérien des années 1995, de l'Egypte, mais aussi de la France avec un front national qui se refait une façade "politiquement correcte" pour être de plus en plus officialisé et reconnu. Chaque situation est différente et il est difficile de se faire un opinion. Pourtant, à mon sens, certaines situations politiques sont plus liées qu'on y croirait. Je suis tombée sur cet article de rue 89 (https://www.rue89.com/2013/07/26/assassinat-brahmi-tunisie-suspect-numero-connu-france-244570) qui présentait l’assassin présumé du député Mohammed Brahmi. Il m'a rappelé une idée qui avait germée dans ma tête en rentrant d'Egypte (où j'avais vu des salafistes français aller se former là bas) que la France joue aussi un jeu dangereux et que si elle continue de nier la réalité de ses banlieues, de ses mosquées sous couvert d'une "laïcité", il y aura peut être d'autres Boubakeur El-Hakim qui retournent à leurs origines par la pires des façons. Continue Limoune de nous donner tes impressions, tes ressentis, ils viennent apporter un élément de plus dans la construction d'un opinion un peu moins téléguidé par la pensée unique.

Limoune
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Pascaline, merci pour tes encouragements. Je crois qu'on en revient au même, nier une partie ne peut être que destructeur. Une laïcité liberticide a exacerbé les tensions identitaires et une démocratie particide (allez savoir si ça existe) aura le même effet.

Fofana Baba Idriss
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Merci à Limoune de nous avoir fait comprendre autrement ce qui se passe en Tunisie. J'ai aimé le ton critique.

Limoune
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Fofana, merci pour ce premier commentaire, mais je t'avoue que j'aurais préféré ne pas être critique, mais on ne m'en laisse pas le choix.