Guadeloupe – Mali – Tunisie – Les femmes se racontent
les mondobloggeuses Mylène Colmar, Faty et moi-même s’associent afin d’apporter leurs regards sur la condition féminine dans leurs pays respectifs.
« Fanm doubout »
Par choix ou par obligation, la femme guadeloupéenne que présente Mylène Colmar est une femme courageuse sur laquelle repose toute une société. Ravie de pouvoir décrire et définir la femme doubout et poto mitan,
« Doubout » pour forte, courageuse, extraordinaire dans ce qu’elle entreprend et surtout déterminée à surpasser toute adversité. Et, bien souvent, à « doubout » est associé « poto mitan », pour désigner le rôle de pilier occupé par la femme au sein du foyer familial, et par extension au sein de notre société.
Mylène n’en reste pas moins prudente dans son billet afin de laisser une place aux femmes dont on tait leurs existences susceptibles de faire de l’ombre au mythe. Femme célibataire, femme battue, femme violée, elles restent les témoins d’une égalité à extirper. Et c’est Axelle Kaulanjan-Diamant, Femme. Caribéenne. Créole, à qui Mylène laisse la parole, qui nous explique le paradoxe de la condition féminine en Guadeloupe.
« L’une de nos contradictions majeures, c’est que la Guadeloupe est une société matrifocale, sans pour autant être matriarcale. La majorité des familles guadeloupéennes reposent essentiellement sur les épaules de la femme dite poto-mitan, alors que l’égalité hommes/femmes en Guadeloupe est loin d’être exemplaire… »
Empowerment féministe par l’éducation à Bamako
Si la place des femmes dans la société semble de tout temps avoir été reconnue en Guadeloupe, celle des filles et des femmes dans les écoles au Mali n’a pas toujours été un acquis. Faty évoque la scolarisation des filles à travers son billet dans lequel elle donne à découvrir le Lycée des jeunes filles à Bamako.
Un lycée qui fascine. Il m’a plût dès l’entrée. J’en avais déjà entendu parler, notamment par ma cousine Fatou Sacko qui l’a fréquenté. Mon grand-frère aussi y a fait son stage de fin d’année de l’ENSUP. Ils m’ont parlé de jeunes filles élégantes, intelligentes, turbulentes, belles. Pratiquement l’Elite féminine malienne sort de ce lycée.
Lors de la période coloniale, seul « 1% des filles inscrites arrivaient en CE2 » (3ème année primaire) mais le taux de scolarité n’augmentera que légèrement à l’ouverture du collège moderne des filles de Bamako. En 1958, l’établissement se transforme en lycée et verra son taux de scolarisation augmenter, tout comme celui du pays. Aujourd’hui, ce taux de scolarisation n’est pas la plus grande préoccupation de ce lycée d’élite, attaché à son taux de réussite.
[…] le lycée des filles de Bamako est entré dans les mêmes travers que connaissent tous les établissements scolaires maliens avec notamment la baisse des niveaux. Les taux de passage au bac sont la preuve. Des élèves n’ayant aucun gout pour les études malgré le parquet de professeurs chevronnés qui y sont.
D’une génération à une autre dans un village tunisien
Sakiliba Sira Diop, première bachelière malienne, a été l’une des directrices du Lycée des jeunes filles de Bamako. Elle reste surtout une figure du féminisme africain.
Nous, nous ne brûlons pas nos soutiens-gorge. Tout ce que nous voulons, c’est un peu de temps libre.
Ma grand-mère est de sa génération, mais elle a grandi dans un village et c’est seulement à l’âge de 16 ans que son père l’a laissé se rendre à l’école des jeunes filles. Le lendemain, sa mère décède et sa fille aînée – ma grand-mère – prendra sa place et son rôle. Fanm doubout, vacant d’une activité domestique à une autre, aux besoins de ses frères à ceux de son père, puis de ceux de son mari à ceux de ses enfants, du temps libre, elle n’en trouvera qu’une fois alitée, quand la douleur daignera lui laisser du répit. Cette femme qui se contenta de la vision du groupe dominant sur sa place de femme, a refusé pour ses filles la valeur sociale négative de la femme imposée par l’homme. Contrairement à elle, ses filles ont appris à lire et à écrire, et à l’obtention du baccalauréat, ma grand-mère s’est révélée être combattante pour qu’elles puissent partir étudier à l’université, bien que cela exigeait une installation en ville.
Ma grand-mère est féministe, militante pour ses filles. Sa fille – ma mère – est féministe, militante pour ses filles et pour elle-même. Sa fille – ma sœur – est féministe, militante pour elle-même et pour ses concitoyennes. Sans ma grand-mère et son combat, je n’aurai pas pu comprendre la valeur du mot féminisme. La femme tunisienne n’existe pas. Des femmes tunisiennes existent. Je n’ai parlé que de celles que je connais.
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