Y’a Bon Awards – Quand le racisme se classe
Il y a la France que l’on aime et celle qui nous toise. Celle qui n’a plus peur de ses discours racistes et qui affiche ses tendances xénophobes dans la sphère publique, qu’elle soit politique ou médiatique. Le temps de la soirée de lundi dernier, Les indivisibles, militants pour la reconnaissance des Français dans leur diversité, ont investi la scène du cabaret sauvage, à Paris, pour la cérémonie des Y’a Bon Awards 2013, récompensant le meilleur du pire.
Si ces personnalités ont chacune remporté
le trophée de la honte
en forme de banane – en hommage satirique au slogan raciste Y’a Bon Banania – d’autres ne sont pas passées inaperçues. Hassen Chalghoumi, président de l’association culturelle des musulmans de Drancy,
Quand on a vu sur sa première photo de classe, que ma fille n’était entourée que de Blacks et de Beurs, on s’est dit avec ma femme qu’elle ne devait pas rester dans cette école.
Jean- René Godart, chroniqueur sportif sur France Télévision,
Beaugé, c’est un drôle de client : c’est un Antillais, donc on a toujours l’impression qu’il est un peu lent, qu’il laisse passer les choses.
Richard Dacoury, ancien basketteur présent sur le plateau, répond : « Gare aux clichés, tous les Antillais ne sont pas indolents. Ça m’ennuie un petit peu, mais bon continue je t’en prie… »
Godart reprend : « Non, mais c’est vraiment un gars que je connais très bien, c’est pour ça que je dis ça ! Et on retrouve des attitudes similaires avec Teddy Riner ».
et Jean-Luc Mélanchon, président du Parti de gauche,
La plupart des gens vivent leur foi, ne cherchent pas à embêter les autres, ne se déguisent pas. Car moi j’ai déjà dit à des jeunes que j’ai croisé : « C’est quoi ta tenue ? Tu sors d’où ? Pourquoi tu te déguises en Afghan ? » Tu peux croire en Dieu sans te déguiser en Afghan ! […] Pour moi un déguisement c’est se foutre une calotte sur la tête, passer sa journée avec la tenue d’Afghan.
ont brillé lors de cette soirée. Le répertoire musical français a également été passé à la fourche. Nul besoin de peigne fin face à cette grossièreté dont voici deux exemples.
https://www.youtube.com/watch?v=dxW-9crC9dQ
La course au racisme
est donc toujours d’actualité et ça fait vendre, il paraît ! C’est pas moi qui le dit, c’est Christophe Barbier, directeur de la rédaction de l’Express, qui fier d’assumer son idéologie est venu récupérer sa banane de l’an passé. Enchaînant les Unes surfant sur la haine de l’islam, il explique qu’il faut « aller un peu plus loin que le politiquement correct, quitte à se tromper ». « Si vous mettez une image gentille, ils [les lecteurs] n’achètent pas », avance-t-il, ne semblant pas comprendre les revendications des Indivisibles, qui bien que présentées, de manière humoristique, lors de cette soirée, sont, en réalité, on ne peut plus sérieuses et préoccupantes.
Préoccupée, je le suis d’ailleurs. J’ai peur pour cette France. Pour cette France que j’ai rêvée quand je vois cette France de la diversité niée. Cette France qui devrait afficher une seule et même identité. Cette France où la différence est pointée, stigmatisée, dénigrée, rejetée pour mieux être suspectée. Je ne voulais pas me plaindre, ni emprunté ce ton soucieux dans ce billet. Je voudrais rire comme je le faisais lundi soir, mais plus je m’éloigne de cet espace-temps, plus il m’est difficile de ravaler mon air maussade.
Quand le racisme se classe – minorant un propos face à un autre – je crois que ça m’agace. Quand le racisme est nominé et yabonisé – étant ainsi identifié et dénoncé – je pense rejoindre l’idée. Mais, tous aussi humainement condamnables les uns que les autres – la loi française ayant préféré plancher sur une laïcité biaisée – ces discours sont tous indignants, affligeants. Les yabonisés, nominés et affiliés qui, pour certains, prêtent aux Antillais l’indolence, ferait mieux de faire face à leur paresse intellectuelle. A une paresse humaine, qui institutionnalise, conforte et réconforte les discours racistes les plus discrets, dans les plus hautes sphères publiques.
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