Palestine : Nos jours heureux
Excursion pour les femmes du village de Tayibeh, en Palestine de 48. Au programme : randonnée, histoire, politique et botanique à travers la visite des villages détruits et confisques de Galilée.
« Gloire à Dieu, Celui Qui a mis cette monture à notre disposition, alors que nous n’eussions pu la dominer. Et c’est à Dieu que nous retournerons. » Les femmes achèvent la récitation de leurs prières avant que le bus ne prenne la route vers la Galilée. Organisée par el Tajamo (le Rassemblement), parti politique arabe d’Israël, l’excursion se veut citoyenne et militante.
Excitées, bruyantes et impatientes, les femmes âgées de 12 à 70 ans s’agitent dans le bus, les unes chantant, les autres racontant des anecdotes ou discutant des repas qu’elles ont concoctés pour le déjeuner. Les plus calmes d’entre elle lisent le journal ou s’offrent une sieste matinale. Au fond, les plus jeunes, munies de leurs téléphones portables, écoutent les tubes de l’été et leurs éclats de rire rythmeront le voyage. Les femmes ont tout prévu pour l’occasion : si ce n’est pas des bottes qu’elles ont aux pieds, ce sont des Crocks qui les aideront à surmonter la marche qui les attend.
Revivre la destruction
« Beaucoup ne savent pas qu’il existe des villages disparus, explique Bassam, organisateur de l’excursion, c’est pour cela que nous avons choisi cette sortie. » Tout au long de la journée, les femmes bénéficieront d’explications historiques d’un guide sur les villages détruits et confisquées. Des villages qu’on ne peut plus admirer. Des villages détruits transformés en cité dortoir israélienne ou en kiboutz. Des villages qui n’existent que dans la mémoire des réfugiés ou dans l’imaginaire des passionnés d’Histoire.
Pourtant, ces villages reprennent vie alors même que le guide prononce leurs noms originaux. « On ne trouve plus les noms arabes des villages sur les cartes. Il n’y a que des noms modifiés ou en hébreu. C’est un crime culturel », avance le guide, en replaçant sa casquette blanche. « Officiellement, on compte plus de 530 villages détruits en Palestine de 48, mais ils sont en réalité au nombre de 1800. », explique-t-il. L’espace d’un instant, le temps d’une histoire, les kiboutz n’existent plus et les palmiers refont surface au centre des villages disparus.
Mais le récit des opérations de nettoyage ramène les femmes à la triste réalité. L’occupation est de nouveau sous leurs yeux. La dépossession refait son apparition et devant les paysages verts ne restent que les écriteaux en hébreu.
Culture et plaisirs
Plus qu’une sortie culturelle et patriotique, l’excursion s’apparente à un bol d’air frais pour ces femmes. Dans le bus, le voyage prend des airs de classe verte avec les bonnes élèves qui participent et répondent à chaque question.
Peu à peu, l’odeur du thon, du fromage ou de la sauce tomate s’échappe des sandwichs pour atteindre les narines des voyageuses. L’appel du ventre est alors plus fort que les explications du guide, qui le comprend aussitôt : « Mesdames, nous allons déjeuner à Nabi Yousha devenue Nabi Yesha. Depuis sa destruction, le village a été transformé en une forêt nationale. », annonce-t-il.
Le ventre plein, les femmes récupère leur concentration. Le village de Nabi Yesha retrouve alors son histoire, devant les oreilles attentives des femmes. L’attention est tout de même à son maximum dès lors que le guide mentionne les raisins et les tomates qui ont fait la réputation de ce lieu.
Le long d’un fleuve, le guide propose une pause détente. Le moment pour certaines de faire leurs prières et pour d’autres de tremper leurs pieds dans l’eau. « Si je saute, tu sautes », lâche Yasmine à sa nièce, avant d’éclabousser ses voisines en criant : « L‘eau de la Palestine, il n’y a pas mieux que l’eau de la Palestine ! ». Le guide saisit alors l’occasion pour donner une leçon de géopolitique de l’eau en concluant par un proverbe palestinien : « Ce qui est peu cher est toujours présent mais ce qui est cher est rare. »
Les femmes rentreront ravies, leurs glacières et leurs sacs à dos vides, mais leurs bras remplis de raisins ramassés sur leurs chemins. « Et bien quoi ? C’est de la terre palestinienne ! », se justifient-t-elles.
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