20 mars 2013

Arrivée à Ben Gurion- juillet 2008

« Israel may have the right to put others on trial, but certainly no one has the right to put the Jewish people and the state of Israel on trial. », Ariel Sharon.

Cher Ariel Sharon,

Je tenais à vous faire part de mon mécontentement. J’ai toujours aimé les jeux de rôles, mais celui que m’impose aujourd’hui la douane de votre pays m’insupporte. J’ai dû mal à endosser mon nouveau déguisement et sachez que je suis loin d’assumer le rôle qui m’a été attribué.

Badigeonnée d’une couche de maquillage digne de celle des stars libanaises, coiffée comme le soir d’un mariage, je n’espère qu’une chose : que cette dégaine me vaudra un passage devant la douane sans accrochage. Un peu trop naïve, j’étais loin d’imaginer l’étendu de la débilité profonde de vos hommes.

Et pourtant, j’avais suivi à la lettre les recommandations de ma supérieure. Mon téléphone avait bien été vidé de tout numéro suspect aux yeux d’Israël, à savoir les 00 963 (n° syrien), les 00 961 (n° libanais), et par précaution les 00 202 (n° égyptien). Les maillots et serviettes de bain avaient été soigneusement placés dans une valise « façon » hôtesse de l’air, de telle sorte que cette « poudre aux yeux » saute à la gueule de tout douanier susceptible de jeter un regard dans mes bagages. Bref, le Petit futé Israël à la main, je pensais rentrer sur cette terre sereinement.

Chronique d’une arrivée en terre israélienne

J’ai souvent entendu les Occidentaux critiquer la Syrie des heures durant sous prétexte qu’elle refuse l’accès sur son territoire à tout détenteur d’un passeport revêtu d’un tampon israélien. Mais je les défie de mettre un pied en Israël avec l’intention de visiter les territoires sans crier spontanément au scandale. La nonchalance est affichée dans tous les coins de l’aéroport de Tel Aviv- Ben Gurion et ne peut donc être loupée. Seuls les Israéliens seront traités avec intérêt. Et pour ceux dont la crédulité leur laisserait penser que ressembler à une juive (ce qui ne veut au passage rien dire) suffirait à gagner l’amabilité des officiers, ils ne font que s’égarer.

Tout individu qu’il soit seul et jeune, arabe et musulman, ou Peace et Love sera très vite considéré comme suspect et prié de se placer sur le côté. Un soldat au froc baissé vient alors vous récupérer et vous demande, chewing gum à la bouche, si vous savez parler hébreu. La réponse est « No », c’est parti pour une série d’interrogatoires devant des personnes de plus en plus importantes hiérarchiquement, du moins qui s’en donnent l’air. Les bureaux sont de plus en plus grands et les portes de plus en plus blindées. L’attente se fait longue et les propos (réducteurs et parfois islamophobes) ne font qu’affecter la zen attitude que j’essaie d’adopter depuis trois heures.

La politique de la « cruche »

Mon arbre généalogique est remonté, et j’ai beau mettre une consonance française aux prénoms de mes aïeux, je serais démasqué après avoir prononcé le nom « Héchmi[1] ». Le parcours de mon père immigré en Orient et en Occident sera ensuite retracé. Mes coordonnées (adresse, téléphone, mail) sont notées, mes documents officiels (passeport, carte d’étudiante et réservation d’hôtel) sont photocopiés à plusieurs reprises, mais une nouvelle question est désormais posée : « Que veut dire le mot Haba en arabe ? ». « Je n’en ai aucune, lui répondis-je, je pensais que mon nom de famille venait plutôt d’Israël. »

Autre question éliminatoire : « Will you go to the West Bank ? ». « West Bank ? », repris-je, « Non, j’ai pris de l’argent avec moi, pas de besoin de passer à la banque. » La réponse sotte ne plaît guerre à mon interlocutrice qui d’un ton remonté, me lance « West Bank : Palestine ». L’air outrée, je rappelle que je ne suis là que pour faire de la plongée, bronzer et accessoirement visiter Israël, les territoires palestiniens étant bien trop effrayant.

L’avion Rome-Tel Aviv avait atterri à 3h du matin, me voilà libre à 7h. Plus qu’un dernier contrôle : la valise est fouillée, mais je ne serais pas déshabillée comme ont pu l’être d’autres « terro-tourristes[2] », histoire de vérifier qu’un explosif n’est pas caché dans le « soutif ». Mon temps d’attente et de pression a été limité à quatre heures et demi, mon téléphone n’a pas été méticuleusement scanné et je n’ai pas passé 24h en isolation pour enfin me voir refuser l’accès au territoire. La politique de la « cruche » aurait-elle fonctionné ? Je ne peux l’affirmer, le caractère inédit de ma visite en Israël m’a en tout cas bien aidé.      


[1]              Les Hachémites ont  longtemps été les gardiens de la Mecque (Arabie Saoudite), ils ont régné sur l’Irak jusqu’à la révolution républicaine de 1958 et règnent aujourd’hui en Jordanie.

[2]              Appellation donnée par le gouvernement israélien pour désigner les internationaux se rendant dans les territoires occupés.

 

Partagez

Commentaires