Back to Ben Gurion airport – On prend les mêmes et on recommence
En lisant il y a un mois le post de Berliniquais sur son passage à l’aéroport de Tel Aviv – Ben Gurion, dans lequel le blogueur dénonçait l’obsession sécuritaire qui y régnait, Limoune – ليمون ne pouvait empêcher son cerveau de faire appel à de vieux souvenirs. Elle a donc revécue sa propre arrivée dans ce même aéroport telle qu’elle l’a vécu, en juillet 2008. Avant de revivre la même scène, au début du mois de mars.
Une fois n’est pas coutume, les quatre heures d’interrogatoires et d’attente de juillet 2008 se sont transformées le 4 mars 2013 en quatre heures et demi. On ne déroge pas à la règle à l’aéroport de Tel Aviv. Les efforts vestimentaires – style BCBG – les sourires insistants et la détente face à la stupidité et au caractère raciste de l’appareil sécuritaire israélien n’auront ni évité, ni écourté l’attente. Le nom de mon grand-père n’a pas changé.
Hechmi ?!! Please follow this man for a short security control. [Pour changer !]
Cette fois-ci, je ne suis pas seule. Ma sœur m’accompagne, de quoi saupoudrer nos différents interrogatoires d’humour et de complicité.
Les mêmes questions sur le nom de nos aïeux, sur notre religion, sur l’origine de nos prénoms et de nos noms. Les « it does not matter » et les « you are kind » sortant de la bouche des soldats ne sont que du fake face à nos sourires hypocrites qui espèrent le « short security control« .
Deuxième soldat en charge du « shortsecuritycontrol« . Nous l’appellerons Baveman. Il faut bien trouver quelque chose à faire pour s’amuser dans l’attente – donner un surnom à chacun de nos interlocuteurs a été un de nos passe-temps privilégiés. Sans gêne, ni grâce, Baveman laisse dégouliner sa bave de 10 cm avant de lui faire faire le trajet inverse vers sa bouche, lui permettant ainsi de ravaler son surplus de salive. Naturellement, il enchaîne sur son interrogatoire en nous posant toujours les mêmes questions.
Dans la salle d’attente surveillée par deux soldats, de nouveaux visages apparaissent, certains basanés, d’autres métissés, certains stressés, d’autres habitués, mais aucun des visages n’affiche la mine enjouée que nous avons décidé de garder. Un coup de blues au bout de trois heures et l’image de Baveman ravalant sa bave nous fera retrouver le sourire, un coup de barre et la chanteuse Grâce rechargera nos piles.
C’est que nous nous étions préparées et avions dans notre sac de quoi patienter toute une journée. Gâteaux, cours de gestion, manuel de manipulation et Ces gestes qui vous trahissent... des livres de développement personnel que je n’ai pas pour habitude de lire mais qui ont le mérite d’être neutres, de ne pas dévoiler grand chose de mes penchants politiques et d’offrir un éventail d’activités insoupçonnées. Ces gestes qui vous trahissent est un bouquin qui nous permettra de changer les rôles et de nous amuser à étudier le comportement de nos geôliers.
Il [le soldat qui surveille la salle d’attente] s’abîme dans la contemplation de ses ongles, coudes en appui. Cette manière de se préoccuper de ses ongles hors de propos est un mécanisme de défense [vous avez dit défense ?].
Il [Baveman] croise sa jambe gauche sur sa cuisse droite tandis que l’un de ses pieds se réfugie en retrait sous sa chaise. Attitude d’indisponibilité et/ou de refus du dialogue. [C’est étonnant !] (Ces gestes qui vous trahissent, Joseph Messinger)
Il semblerait que ces gestes trahissent l’appareil sécuritaire israélien. Il serait d’ailleurs inutile de répertorier tous les gestes de nos interlocuteurs, ni toutes les questions de ces derniers. Stupides et répétitives, les questions n’ont sûrement pas fait avancer leur enquête mais ont mis notre patience à rude épreuve.
– From how many hours are you here ?
– Three [why ?]
– Three and half [why ?]
Je crois vraiment qu’ils n’ont plus de questions à nous poser, puisque chaque interrogatoire sera désormais ponctuée par cette question.
– Four [why ?]
Nous venons de remporter un sandwich, une bouteille d’eau chacune et le droit de déféquer dans les toilettes de l’aéroport ! Nous avons franchi le premier pallier ?
A notre retour, nous ne sommes plus que cinq, les retenus de notre vol, ceux des vols précédents et suivants ont pu rejoindre la porte de sortie, sauf nous. Nous, nous connaissons un arabe auquel nous allons rendre visite. Elle, elle est avec son mari, elle est palestinienne, son mari est américain. Elle est enceinte jusqu’au cou et pleure de fatigue. Lui, il est nigérien et la seule chose que nous avons pu suivre c’est qu’il est impatient et qu’il a rejoint une pièce de détention avant de rejoindre sa ville de départ dans le prochain avion. Il ne sera pas autorisé à entrer sur le territoire.
Au bout de 4h30, nos passeports nous sont remis. Pas ceux du couple américo-palestinien.
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